Chaque vendredi ou presque, Daniel Obrecht attelle sa bétaillère à son tracteur ou une remorque à sa voiture. Il charge un grand bovin dans la première ou un veau dans la seconde, et prend la direction de l’abattoir de Bahlingen, au pays de Bade, en Allemagne. Celui-ci est distant de 42 km de son siège d’exploitation à Andolsheim (Haut-Rhin), à un jet de pierre de Colmar. Ce rituel est rodé depuis 2002, l’année où l’éleveur démarre la vente directe de sa viande. « L’abattoir municipal de Colmar venait de fermer. Celui de Bahlingen était le plus proche », raconte Daniel.

Il y a peu, sa tentative de retravailler avec un abattoir de proximité pour ses veaux, sans franchir le Rhin, a tourné court. « En Allemagne, il s’agit d’un abattoir privé. C’est carré ! La traçabilité est au point. Les horaires sont respectés. Quand j’appelle, j’ai rapidement le bon interlocuteur au bout du fil. Quant à la prestation, elle est conforme, même si les pratiques de découpe changent parfois. »

« Le temps de maturation sur place n’est pas facturé », apprécie Daniel Obrecht. Le seul hic est qu’il ne peut pas se prévaloir de la mention « viande bovine française », car ses blondes d’Aquitaine et ses limousines sont certes nées et élevées mais pas abattues en France. « C’est sans conséquence sur ma clientèle de proximité, assure l’éleveur. L’Alsace et le pays de Bade occupent le même bassin rhénan. Je considère que ma production garde son caractère local. »

La possibilité d’être exigeant

Depuis 2012, il se rend également en Allemagne pour y faire entretenir son matériel. « Mon concessionnaire en Alsace changeait de marque et je souhaitais la conserver. Faire réparer en outre-Rhin ne revient pas moins cher mais les pièces sont disponibles et les délais respectés. Il y a un côté prévisible que j’apprécie. Je peux me montrer exigeant, que ma facture se chiffre à quelques centaines ou à quelques milliers d’euros. » Le dialecte alsacien, proche du patois badois, sert aux échanges. « Si les mots manquent pour évoquer les termes techniques, il reste le geste », rigole Daniel Obrecht.

En 2020, sa conversion bio sera terminée. « Vendre mon soja ou mon orge d’hiver en Allemagne ne me gênerait pas », conclut-il.