En 2013, Bernard Joan a choisi de s’installer sur l’exploitation familiale. Alors âgé de 41 ans, il exerce le métier de professeur de mathématiques, mais baigne dans le milieu agricole depuis toujours : « En 1986, mon père et mon oncle ont fusionné leurs structures, l’équivalent de trois petites exploitations, pour créer un Gaec d’une surface agricole de 80 hectares qui n’a pas changé depuis. Mes deux frères aînés ont rejoint le groupement à ce moment-là. J’ai pris une autre orientation professionnelle, entre autres parce qu’il n’était pas possible d’intégrer une personne supplémentaire. Mais je venais souvent les aider. »

Lorsque la possibilité de s’installer comme agriculteur survient, le choix s’avère difficile : « J’adorais mon rôle d’enseignant. Mais avec le recul, je conclus que l’agriculture est bien ce que j’ai toujours voulu faire. » Avec son installation comme double actif jusqu’à 2020, le Gaec passe en EARL.

Arrêt des bovins laitiers

L’exploitation possédait un troupeau bovin laitier produisant 350 000 litres par an. À partir de 2016, les exploitants s’entendent avec quatre autres éleveurs et se spécialisent dans l’atelier des génisses : « On s’occupait d’élever les jeunes de moins de six semaines jusqu’au vêlage. C’était économiquement intéressant tout en résolvant des problèmes de main-d’œuvre. » Malgré cela, la baisse des marges s’amplifiant, le Gaec arrête les bovins en 2021. Les dernières vaches sont vendues en 2022.

Depuis, l’activité s’est reconcentrée sur les cultures de maïs grain et de maïs doux non-irriguées. Le grain est livré à la coopérative Euralis. Le maïs doux est cultivé sous contrat avec la Seretram (usine à Labatut dans les Landes). « Sur nos terres noires, les rendements vont jusqu’à 140 q/ha. Mais la moitié de nos parcelles sont plutôt argileuses, avec des rendements de 90 q/ha. Les revenus fluctuent au bon vouloir du climat comme du marché », précise Bernard Joan.

Les deux frères cherchent alors à retrouver une assise financière capable de générer des revenus réguliers. Ils ont opté pour l’installation d’une centrale photovoltaïque sur un bâtiment de stockage existant : 1 100 m² de toiture qu’il a fallu désamianter et renforcer par endroits. L’installation, en fonctionnement depuis novembre 2023, produit l’équivalent des besoins annuels en électricité de 400 foyers.

Pour générer des revenus réguliers, une première centrale photovoltaïque a été installée sur un bâtiment existant. (©  Hélène Quenin)

« Pour monter le projet, nous avons été accompagnés par Eurasolis, filiale de notre coopérative spécialisée dans le photovoltaïsme, indique l’agriculteur. Aujourd’hui, nous imaginons d’autres projets dans l’agrivoltaïsme. » L’étude porte une surface de l’ordre de 17 hectares, incluant un ou deux bâtiments neufs (sans doute des bergeries) et des ombrières sur prairies. « Un challenge que nous aimerions concrétiser d’ici à trois ans. »

15 ans et passionné

Trois années, c’est le temps qu’il faudra à Mathis Delecourt pour être majeur, obtenir son BPREA, s’installer agriculteur et intégrer l’EARL. En contrat d’apprentissage, il passe une ou deux semaines par mois à l’école, le reste sur l’exploitation. Le jeune homme de 15 ans est déterminé à faire sa place dans l’élevage ovin, viande et lait : « Je ne suis pas issu du milieu agricole, mais l’élevage me passionne. J’ai commencé par six brebis de race Ouessant. Lors de l’hiver 2022-2023, j’ai acquis une vingtaine de brebis de race berrichonne et un bélier. »

Mathis Delecourt a depuis toujours la fibre de l’élevage ovin. Il développe son premier troupeau et conduit désormais une centaine de brebis. (©  Hélène Quenin)

Bernard Joan lui a tendu la main à ce moment-là : « Il habite le village, donc je l’ai vu évoluer. Je lui ai d’abord prêté un bout de pâture, puis je lui ai proposé un bâtiment pour mettre ses brebis à l’abri et lui permettre d’augmenter son troupeau. Puis nous l’avons pris en alternance sur l’exploitation. »

L’adolescent a fait ses premiers agnelages en octobre 2023 et conduit désormais une centaine de bêtes. Il vise une soixantaine de naissances pour cet automne et développe sa clientèle. L’alternance se passe au mieux : « Il est d’une aide précieuse. Je le trouve passionné et optimiste », résume Bernard Joan, qui ne tarit pas d’éloges sur son protégé.