« Je suis tombée amoureuse des bisons. C’est un animal rustique qui tolère bien notre climat. Et sa viande maigre et très protéinée se démarque de celle du bœuf », explique Anouk Caron. L’éleveuse, jeune trentenaire, agronome, caresse depuis dix ans le rêve d’élever l’animal emblématique qui jadis peuplait par dizaines de milliers les plaines de l’ouest du Canada et des États-Unis, avant d’être presque exterminé sous les balles de la génération du tristement célèbre Buffalo Bill.
Des prix à l’hectare prohibitifs
Mais trouver une terre à un prix rentable pour les quelque 2 000 jeunes agriculteurs ou agricultrices est presque mission impossible dans la province du Québec. Le prix du foncier agricole cultivable a augmenté de près de 300 % au cours de la dernière décennie. La valeur moyenne des terres en culture était de 28 545 $ par hectare (19 000 €/ha) en 2021, certaines atteignant 73 000 $ par hectare (53 000 €/ha) dans les régions les plus productives. Aussi se lancer en agriculture relève presque du miracle si vous n’êtes pas fils ou fille d’agriculteurs et que vos parents ne vous aident pas généreusement à vous établir. C’est le cas d’Anouk Caron dont les parents ne sont pas agriculteurs.
« Je cherchais une terre d’une centaine d’acres pour démarrer mon projet d’élevage. À chaque occasion, elle me filait entre les doigts, soit parce qu’une personne plus fortunée raflait la mise soit parce qu’elle était vendue de bouche à oreille. » Ce sont pourtant ses parents qui sont venus à sa rescousse en achetant en 2022 une terre de 23 acres (9 hectares) à Saint-Herménégilde, une petite municipalité située à moins de deux cents kilomètres de Montréal. Et au mois de juillet dernier, les premiers bisons, dix femelles et dix mâles, sont arrivés à la ferme.
Adapter les projets
« J’ai dû rapetisser mon projet d’élevage, mais je suis chanceuse de pouvoir louer la terre à mes parents, car le danger avec la location est d’investir temps, énergie et argent, avant qu’un propriétaire vous montre la porte » poursuit celle qui vient d’investir 40 000 $ en clôtures. Malgré leur poids de 340 kg, les bisonnes peuvent sauter des clôtures de près de deux mètres. Quant aux mâles, leur poids peut atteindre plus de 900 kg.
La relève agricole a accès à différents programmes de financement pour s’établir, incluant celui de louer et de racheter une terre au prix coûtant dans quinze ans. Mais en 2023, le fait est que les jeunes agriculteurs ne peuvent plus payer leur principal outil de production : la terre. En juin dernier, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (Mapaq), André Lamontagne, a lancé une vaste consultation sur l’avenir et l’occupation du territoire agricole, incluant les causes et les possibles remèdes à l’explosion du coût du foncier nourricier. Pour Anouk Caron, si la tendance se maintient, le rêve d’être propriétaire d’une terre demeurera hors de portée.