« L’aliment le plus équilibré, c’est l’herbe ! » lance Mickaël Moreau à la tête de 65 vaches laitières à Ayron dans la Vienne avec son épouse Céline. Forts de cette observation, les exploitants ont construit leur système fourrager autour des prairies. Ils n’achètent quasiment plus aucun intrant pour l’alimentation de leurs animaux. En 2022, les dépenses pour nourrir leur troupeau n’ont représenté que 5 €/1 000 litres. Ce sont essentiellement des minéraux. Les performances globales (cf. encadré) de l’atelier lait, leur ont aussi valu de remporter le premier prix Cap protéines, un programme piloté par l’Institut de l’élevage à l’échelle nationale visant à améliorer l’autonomie protéique des élevages.

« Nous avons abandonné le système « maïs » très tôt après mon installation en 2007, retrace Mickaël. Nous n’avions alors que 6 ha de prairies. La part de pâturage a progressivement augmenté. Nous sommes aussi passés en agriculture biologique, car nous souhaitions nous détacher de l’usage des produits phytosanitaires. » Petit à petit, les associés ont repris de la surface autour du siège de la ferme. Aujourd’hui, le maïs représente à peine 5 % de la sole. Dans le même temps, l’effectif est resté stable autour de 65 vaches laitières.

Les betteraves fourragères seront pâturées pendant la nuit à partir de la mi-août. ( © Marie-France Malterre/GFA)

Des parcelles faciles d’accès

Mickaël mise sur le pâturage à un stade précoce. L’atout du Gaec Gâtinais, c’est que l’ensemble des parcelles sont facilement accessibles par les vaches. « Nous les sortons dès la mi-février, explique-t-il. J’adapte la surface à la pousse. » Autre atout de l’exploitation : toutes les parcelles bénéficient d’une arrivée d’eau. Au début, les vaches ne pâturent que quelques heures pendant la journée. Elles continuent de recevoir une part de ration en bâtiment. Celle-ci comprend trois quarts d’ensilage d’herbe et un quart d’ensilage de maïs épi. Dès le début du pâturage, l’apport de méteil grain aplati produit sur la ferme est suspendu. Ce concentré comprend en moyenne deux tiers de triticale pour un tiers de pois et de vesce.

L’apport protéique de la ration est donc assuré majoritairement par l’ensilage d’herbe. « Je récolte les parcelles quasiment au stade où les animaux pâturent, c’est-à-dire quand les graminées sont encore feuillues. Le rendement est limité, en moyenne autour de 2 tonnes de MS/ha et ne dépasse jamais 3 t de MS/ha. » Le taux de matière azotée totale (MAT) du fourrage visé se situe autour de 20 %. Les fauches ont lieu tous les 15 jours à trois semaines, dès qu’une dizaine d’hectares a atteint le stade optimum. Le silo est « débâché » pour entasser les nouvelles couches. 6 ha d’ensilage de maïs épi recouvrent l’ensemble en septembre.

La chaleur estivale stoppe le cycle de l’herbe. « La rotation des animaux sur les paddocks se poursuit pour consommer le stock sur pied », explique Mickaël. Les animaux restent un à deux jours en fonction de la taille de la parcelle. Leur passage est rapide, ils ne risquent pas d’endommager le couvert. Idem pour les parcelles destinées au pâturage de nuit situées autour des bâtiments. Pendant cette période, la ration à l’auge est alors équivalente à celle de l’hiver, sans les concentrés. « La durée de la distribution est aujourd’hui plus longue qu’en hiver, constate l’exploitant. Deux mois et demi, contre un mois et demi pendant la mauvaise saison. »

Pas d’achat de fourrages

Pour couvrir les besoins pendant ces quatre mois, Mickaël table sur un stock de 300 t de MS. Au printemps 2023, les objectifs sont atteints, mais en 2022, il manquait 75 t de MS d’ensilage d’herbe. Ils ont été comblés grâce à la fauche de 23 ha trouvés chez un voisin. « Je n’aurais pas acheté de fourrages supplémentaires, assure Mickaël. J’aurais produit moins de lait. »

La production a ralenti au cours des périodes les plus chaudes. « En condition de pousse normale, le pâturage des prairies multi-espèces permet de produire 19 à 20 kg de lait par jour sans aucune complémentation, déclare Marion Andreau de Bio Nouvelle-Aquitaine. La diversification des plantes favorise un couvert dense. »

Ainsi, les prairies constituent le socle de la réussite du système. Elles sont semées le plus tôt possible à l’automne dès que l’humidité est suffisante, parfois même derrière la récolte des céréales. Leur pérennité est de 4 à 5 ans. En ce qui concerne les graminées, le mélange comprend, 2 kg de ray-grass anglais, 2 ha de dactyle, 2 kg de fétuque élevée, et 1 kg de pâturin des prés.

« Le RGA est productif et s’installe vite, mais il est sensible à la sécheresse, explique Mickaël. Le dactyle et la fétuque sont plus résilients. Quant au pâturin, il s’immisce dans les trous et évite aux adventices de coloniser les vides. »

Côté légumineuses, le mélange intègre 5 à 10 kg/ha de luzerne, 5 kg/ha de trèfle violet, et 4 kg/ha de trèfle blanc. En fonction des parcelles, chicorée et plantain sont également ajoutés. Comme les conditions idéales ne sont pas toujours réunies, Mickaël ne lésine pas sur les quantités et prévoit au moins 25 kg de semence/ha (jusqu’à 30 kg). « Le coût est d’environ 250 €/ha, mais c’est un investissement pour plusieurs années », précise Marion Andreau. Des essais de semis sous couvert de méteils ont également donné de bons résultats et pourraient être poursuivis.