Le message est clair concernant le photovoltaïque en Bretagne : « La souveraineté alimentaire doit primer sur la souveraineté énergétique », insiste Loïc Guines, président de la chambre d’agriculture de l’Ille-et-Vilaine lors d’une conférence au Space, le 18 septembre 2024. Pour la chambre d’agriculture de la Bretagne, l’agriculture bretonne doit prendre sa part dans le développement des énergies renouvelables mais sous certaines conditions.

Elle souhaite notamment que les agriculteurs s’impliquent dans les projets photovoltaïques afin de créer de la valeur dans les exploitations et les territoires. Elle s’est donc mobilisée dans l’écriture d’une feuille de route qui identifie les règles à respecter pour « avoir un développement le plus harmonieux possible ».

Priorité à l’agriculture

« L’agriculture doit garder la main sur le sujet », souligne Loïc Guines. L’objectif est de concilier production agricole et production d’énergie. Cela implique notamment une bonne gestion du foncier et un partage de la valeur équitable.

La chambre d’agriculture de la Bretagne veut d’abord privilégier le développement du photovoltaïque au sol sur les terres incultes et les surfaces déjà artificialisées. « Les premiers périmètres sur lesquels on doit implanter des panneaux photovoltaïques sont les bâtiments agricoles, les bâtiments industriels, les toits… », indique-t-il.

Elle s’est donc engagée à réaliser le document-cadre qui cartographie les parcelles agricoles, naturelles ou forestières sur lesquelles il sera possible d’implanter des panneaux photovoltaïques, en concertation avec les représentants agricoles et les collectivités locales.

Un regard attentif est porté sur les parcelles à potentiel agronomiques qui potentiellement ne seraient plus exploitées depuis plus de dix ans par rétention foncière afin qu’elles ne puissent pas bénéficier d’éventuelles compensations. « On ne veut pas que ce soit une course à la rétention mais donner la priorité à la valorisation agricole », alerte Charlotte Quénard, chargée de mission pour le climat, l'air, l'énergie et les déchets à la chambre d’agriculture de la Bretagne.

Du côté ddu calendrier, l’arrêté préfectoral cartographiant les parcelles bretonnes pouvant accueillir des panneaux solaires doit être publié avant le 9 juillet 2025. La chambre a, quant à elle, jusqu’au 8 janvier prochain pour fournir son document-cadre.

L’agrivoltaïsme envisagé sous conditions

Pour la chambre d’agriculture de Bretagne, le photovoltaïque sur des terres agricoles, ou agrivoltaïsme, n’est envisageable qu’en dernière solution et à condition de maintenir une production agricole principale et significative. Elle veut préserver le potentiel agricole de la région et éviter l’émergence de projets dits alibis. « Le principe général est que les espaces naturels et agricoles ont pour vocation à produire de l’alimentation, explique Charlotte Quénard. La production d’énergie, en particulier d’énergie photovoltaïque, n’est pas permise sauf exceptions. »

C’est pourquoi la chambre demande que :

  • Les projets agricoles démontrent leur viabilité économique, indépendamment de l’activité photovoltaïque.
  • Les surfaces et puissances implantées restent limitées afin que la production d’énergie soit bien secondaire à l’échelle de l’exploitation et partagée : « un mégawatt-crête, soit 1 à 3 ha, est le bon compromis » pour permettre à un maximum d’agriculteurs de se raccorder au réseau.
  • Les agriculteurs puissent investir dans ces projets, avec une participation majoritaire au capital.
  • Le type de technologie utilisé et les espacements en interrangées soient adaptés à l’activité agricole. « Tant que les technologies n’ont pas été éprouvées en Bretagne, nous nous référons à l’analyse de l’Inrae, qui recommande une densité de 20-25 % pour ne pas pénaliser les rendements », précise la chambre.

En parallèle, la chambre d’agriculture de la Bretagne demande à s’impliquer dans les CDPenaf pour étudier les projets et refuser tous ceux qui ne vont pas dans l’intérêt du maintien de la production agricole.

Divergences de positions régionales

Ne disposant pas de références suffisamment représentatives, la chambre souhaite un développement très limité de l’agrivoltaïsme en Bretagne dans un premier temps afin de voir les conséquences des installations et les effets sur les rendements, la qualité et la saisonnalité. Cette position politique, en particulier sur la taille des surfaces implantées et le taux de couverture, n’est pas forcément partagée par les autres chambres régionales.

Faut-il y voir une potentielle hypercentralisation des projets dans certaines régions ? Pour Chambre d’agriculture France, la diversité des visions collectives vient de l’indépendance des chambres. « Certaines chambres sont sur les mêmes ordres de grandeur que la chambre de la Bretagne tandis que d’autres ne mettent aucunes limites ou mettent une limite uniquement parce qu’au niveau national, dans une démarche d’homogénéisation, on leur a demandé de rédiger leurs propres doctrines », explique-t-elle.

Charlotte Quénard ajoute : « Ce qu’il y a derrière cette diversité des positions, c’est une diversité des territoires, une diversité de l’agriculture en général et une diversité de l’installation en particulier. On n’a pas du tout les mêmes dynamiques. Certaines régions agricoles sont aujourd’hui en situation de fort recul, avec de la déprise de terres. À l’inverse, la Bretagne est une des régions qui installe le plus, donc la configuration n’est pas la même. »

Selon la chambre d’agriculture de la Bretagne, les différentes politiques régionales en matière d’agrivoltaïsme répondent aussi en partie à des dynamiques agricoles variées. Reste à attendre le résultat des travaux des chambres régionales pour connaître « la photo finale » du futur paysage agrivoltaïque national.