Biocoop ne connaît pas la crise du bio. Ou du moins la coopérative estime-t-elle qu’elle est bel et bien passée, selon les mots de son directeur général Franck Poncet lors d’une conférence de presse de rentrée le 18 septembre 2025. « Si on prend un petit peu de hauteur, le marché de la bio est passé de 5 millions d’euros à 12 milliards en dix ans. Donc ce n’est pas un marché en régression, il est même plutôt en progression sur le long terme », soutient-il, pointant une reprise sérieuse au premier semestre de 2025.
Grâce à « une fréquentation accrue des magasins » et « une légère progression du panier moyen », la coopérative, qui détient 47 % des parts de marché sur les magasins spécialisés bio, enregistre même une progression de son activité de plus 8,5 % en 2024. Preuve en est, selon Franck Poncet, des deux millions de signataires contre la loi Duplomb, « les Français sont bien évidemment toujours sensibles à ce qu’ils consomment et aux pesticides ».
Nouveaux magasins et e-commerce
Dans ce contexte dynamique, Biocoop a fait voter à ses sociétaires réunis en congrès au mois de juin 2025 un plan stratégique ambitieux à l'horion de 2029. La coopérative projette de « dépasser rapidement » l’objectif des 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires d’ici à quatre ans et mise pour cela sur le renforcement son accessibilité sur le territoire. Le réseau Biocoop devrait ainsi passer de 740 à 900 magasins sur la période, soit par la création de nouveaux points de vente, soit via le ralliement de magasins indépendants souhaitant rejoindre la coopérative.
« Si l’offre de Biocoop se situe pour l’instant quasi exclusivement en magasin physique, une meilleure accessibilité passera aussi par le renforcement des services d’e-commerce qui représente à ce jour moins de 1 % de notre activité », souligne Franck Poncet. « Nous souhaitons tripler, voire quadrupler cette part d’ici à 2029. »
Des études sont par ailleurs en cours pour développer de nouveaux concepts de magasins, en misant par exemple sur « des points de vente monométiers » qui capitaliseraient sur les points forts de la coopérative « autour du vrac, du rayon des fruits et légumes, de la cave, ou encore du fromage ». Afin de toucher « 100 % des foyers français » et d’être plus présent en zone rurale et dans les zones populaires, Franck Poncet insiste aussi sur la nécessité de mettre en place « de nouveaux services adaptés à la clientèle et au territoire ».
Du bio pas cher
Capter de nouveaux clients jusqu’ici éloignés du bio pousse Biocoop à proposer toujours plus de produits du quotidien « à prix engagés », « justes pour le producteur et pour le consommateur », affirme le directeur général. Parmi le catalogue actuel de plus de 10 000 références, 500 doivent afficher ces prix accessibles d’ici à 2029, contre 200 aujourd’hui. « Il faut rappeler que Biocoop a les propositions les moins chères sur le vrac et les fruits et légumes bios, tout marché confondus, y compris généralistes », ajoute-t-il.
« Ça ne coûte pas plus cher de manger bio », insiste Henri Godron, président de la coopérative depuis 2024. « Quand vous achetez des fruits et légumes de saison qui n’ont pas pris l’avion, qui n’ont pas d’intrants, qui sont locaux, quand vous achetez en vrac, sans emballage et donc sans marketing, même s’il y a des coûts à la production forcément plus élevés, à la fin vous ne payez pas plus cher », plaide-t-il.
Les dirigeants reconnaissent tout de même un effort constant à fournir pour convaincre et « réussir à faire franchir le cap des magasins à certains clients ». Et cela passe aussi par des démarches sociales : « Aujourd’hui, un tiers des magasins Biocoop sont impliqués dans les actions de la Sécurité sociale de l’alimentation du territoire, par exemple à travers le soutien d’épiceries solidaires locales ou la présence de Biocoop Restauration dans les hôpitaux, les écoles et les Ehpad. Notre objectif est de voir cette part atteindre 50 % du réseau en 2029 », indique Henri Godron.
Mission interministérielle et restauration collective
Face à un budget de l’agence bio « amputé des deux tiers » ou encore aux futures baisses de subventions de la Pac aux agriculteurs français, « plus que jamais, le bio a besoin d’être soutenu », plaide le président de Biocoop. Sans demander de budget supplémentaire, il appelle les pouvoirs publics à agir sur trois points.
D’abord, Biocoop rappelle l’objectif maintenu d’atteindre 21 % des SAU en bio d’ici à 2030. Dans cette optique, elle propose la création d’une mission d’inspection interministérielle sur l’agriculture biologique, mettant autour de la table les ministères de l’Agriculture, de la Santé et des Finances afin « d’établir une cartographie précise, exhaustive des soutiens publics, nationaux et européens, adressés à l’agriculture biologique ».
Sa deuxième proposition vise à « faciliter l’atteinte des objectifs Egalim, notamment en restauration collective ». Les 20 % de produits bio n’y sont à ce jour « pas respectés », et des difficultés demeurent pour y parvenir, souligne Henri Godron. « Notre filiale, Biocoop Restauration, ne peut actuellement pas répondre aux appels d’offres car ils fonctionnent comme un tout alliant conventionnel et bio, et nous ne proposons que du bio. Si un système d’allotissement était mis en place, nous pourrions répondre uniquement aux 20 % de produits bio demandés et ainsi renforcer l’approvisionnement des restaurants collectifs au meilleur prix », indique-t-il.
Enfin, Biocoop propose aux pouvoirs publics « d’inciter tous les distributeurs, et notamment les grandes surfaces, peut être par la contrainte, à proposer un minimum d’offres bio ». Si Henri Godron reconnaît que cette proposition est « contre-intuitive », car cela leur « ferait de la concurrence », il estime que cette dernière serait « saine et offrirait des débouchés aux agriculteurs français ».