Le blé dur, exigeant en azote, est délicat à cultiver en bio. « Les légumineuses sont indispensables dans la rotation, mais ne suffisent pas à apporter assez d’azote pour obtenir un taux de protéines correct », note Max Haefliger, du Biocivam de l’Aude. Les engrais organiques, coûteux, n’ont pas toujours l’effet attendu. « Il est difficile de prévoir à quel moment l’azote qu’ils contiennent sera minéralisé car cela dépend de la température. » Le fumier de volailles offre une solution aux céréaliers qui ont un élevage en diversification ou un éleveur à proximité. « En faisant un apport à l’automne, l’azote a de bonnes chances d’être disponible à la sortie de l’hiver, quand le blé dur ne doit pas souffrir de carence azotée », précise-t-il.
Variétés spécifiques
La culture de blé dur dans une luzerne vivante dont on a broyé un rang sur deux, expérimentée depuis trois ans par Arvalis, donne aussi des résultats prometteurs. « Pour progresser, il est nécessaire d’avoir des variétés adaptées, avec des besoins en azote moindres, une bonne aptitude à élaborer des protéines et une tolérance aux maladies », relève Max Haefliger. De 2005 à 2015, l’Inrae a travaillé dans ce sens. Mais sans dispositif d’évaluation spécifique sur des sites conduits en bio, il n’a pas été possible d’inscrire les lignées obtenues.
L’une d’elle, LA1823, a malgré tout été diffusée et a permis à la filière de démarrer grâce à sa valeur technologique. « Dès l’automne 2020, nous devrions disposer d’une procédure d’inscription spécifique au blé dur bio, comme cela existe déjà pour le blé tendre. Deux nouvelles variétés sont candidates pour une évaluation en vue d’une inscription. »
Les semouliers, de leur côté, ont adapté leur process aux blés durs bio. Pour être acceptés, ceux-ci doivent avoir moins de 30 % de mitadinage et plus de 11 % de protéines. « Avec des assemblages à 12 % de protéines, nous arrivons à faire des semoules et des pâtes de qualité », souligne Antoine Chiron, directeur des Moulins de Savoie, à Chambéry. Ces blés durs sont valorisés dans une gamme qui met en avant l’origine 100 % France. « Depuis trois ans, nos ventes progressent rapidement. D’ici à 2024, nos besoins devraient doubler pour atteindre 8 000 à 10 000 t par an », note-t-il.
Au sein de l’association Sud blé dur bio, collecteurs et semouliers ont mis en place des contrats triennaux avec des engagements sur les volumes, la qualité, et le différentiel de prix avec le blé tendre bio. Très demandé, celui-ci est payé entre 400 et 450 €/t. Pour tenir compte des risques qualitatifs plus élevés, les producteurs ont besoin d’un différentiel de 100 à 150 €/t.
Frédérique Ehrhard