Les techniques culturales simplifiées ont été introduites dès les années 2000 sur l’exploitation de Pierre Couillard à Angoville-sur-Ay, dans la Manche. Depuis 2020, il fait face à une pression croissante des ray-grass résistants. Déçu par le recours au labour, il a acquis un scalpeur et diversifié la rotation en réintroduisant des prairies temporaires, de la féverole d’hiver et du colza.

C’est le gain de temps qui a guidé l’adoption des techniques culturales simplifiées sur cette exploitation en polyculture-élevage laitier il y a vingt-cinq ans. Le Gaec souscrit alors un contrat territorial d’exploitation (CTE) et exclut le labour qu’il remplace par des passages de déchaumeur à disques.

« À la veille de mon installation en 2013, nous étions confrontés à une multiplication des chiendents et rumex ainsi qu’à des difficultés croissantes pour enfouir les intercultures », se souvient Pierre Couillard, qui adopte alors le semis direct et l’usage du glyphosate. La rotation inclut à cette époque une culture de dérobée avec un mélange de féverole, pois, vesce, trèfle et avoine suivie de deux maïs implantés après un passage de strip-till. Elle se termine par un blé.

Depuis 2021, l’agriculteur fait face à un développement des ray-grass : « Leur multiplication peut nous faire perdre quatre ou cinq tonnes de maïs ensilage par hectare. »

55 % de résistance au-delà des doses homologuées

Face à ces difficultés, Pierre Couillard laboure cinq hectares en 2021 entre la dérobée et le maïs. « Nous avons immédiatement observé des phénomènes de battance », déplore-t-il. Si la première récolte de maïs profite de l’accélération de la minéralisation induite par le labour, le blé suivant est à nouveau envahi de ray-grass.

Essais de résistance du ray-grass présent chez Pierre Couillard au glyphosate, réalisés par l'Inrae. Sur cette photo, les modalités « LOLSS-23-21 » correspondent à la parcelle de Pierre Couillard. Les doses N/2, N et 2N correspondent à 360, 720 et 1 440 g/ha de glyphosate. (©  Séverine Michel, Inrae)

En 2023, la chambre d’agriculture soumet ces ray-grass à des tests de résistance au glyphosate réalisés par l’Inrae. Pour une dose équivalente à un tiers de dose, 100 % des ray-grass issus de l’exploitation s’avèrent résistants. « Même en dépassant les doses homologuées sur annuelles, 55 % de l’échantillon affiche de la résistance en laboratoire », note Pierre Couillard.

L’agriculteur acquiert un scalpeur à la fin de 2023, « pour couper le tissu racinaire superficiel de la graminée sans descendre en dessous de 5 cm ». Il opte pour un outil porté de 5,6 mètres. Son passage consomme 10 litres de carburant par hectare, avec un débit de chantier de trois hectares à l’heure.

Le scalpeur vise à couper le tissu racinaire superficiel de la graminée sans descendre en dessous de 5 cm. (©  Claire Guyon-Maite)

Acquis 55 000 euros, le scalpeur est utilisé avec un tracteur de l’exploitation d’au moins 180 chevaux. Après des essais aux résultats mitigés, Pierre Couillard a obtenu une bonne efficacité avec deux scalpages espacés d’une dizaine de jours durant l’été 2024 et en avril 2025. « Il faut au moins dix jours sans pluie après un scalpage. Pour éviter de nourrir les ray-grass, je n’apporte pas de lisier après cette intervention, mais l’anticipe sur la dérobée. »

Pour compléter ces interventions, Pierre Couillard a également diversifié la rotation. En septembre 2024, il a ainsi implanté quinze hectares de prairies temporaires incluant 16 kg/ha d’un mélange de trèfles violet et hybride, 3 kg/ha de ray-grass hybride, 8 kg/ha de dactyle et 2 kg/ha de fétuque élevée. « Elle restera en place pendant au moins trois ans avant une destruction au glyphosate, indique-t-il. Nous fauchons tous les mois pour éviter toute montée en épiaison, ce qui permettra d’épuiser le stock semencier et assure une meilleure valeur alimentaire. »

La rotation inclut désormais une prairie, suivie de deux cultures de maïs, puis une féverole d’hiver dans certains cas avant un blé, et enfin un colza lorsque les parcelles ne sont pas drainées. La diversification de la rotation avec l’introduction de colza et de féverole d’hiver permet d’utiliser d’autres matières actives pour le désherbage. « Ces nouvelles pratiques sont plus gourmandes en temps mais l’autonomie alimentaire de mon élevage est confortée », conclut Pierre Couillard. Ces changements sont facilités par les échanges au sein du GIEE « Manche Agriculture de Conservation » sur la base des essais conduits par chacun.