Si le premier tour de la primaire de la droite et du centre s’est joué sur la posture présidentielle des candidats, les programmes des deux finalistes seront au cœur du second tour, le 27 novembre. François Fillon, crédité par 44 % de suffrages au premier tour, se présente libéral sur les questions économiques. Alain Juppé, qui a bénéficié de 28,6 % des voix, s’affiche centriste. De la même famille politique, les deux hommes ont en réalité des visions le plus souvent alignées. Il leur faut pourtant marquer leur altérité. Voici, pour l’agriculture, les points essentiels qui les distinguent.
Charges
François Fillon veut baisser de 50 milliards d’euros les charges et impôts sur les entreprises, dès le 1er juillet 2017. Pour réduire le coût du travail et mettre fin au dumping social, il prévoit de diminuer le taux de l’impôt sur les sociétés. L’ensemble de ces allègements sera financé par une augmentation de la TVA de deux points, au quatrième trimestre de 2017. Afin de rendre les résultats d’exploitation moins sensibles aux aléas, il souhaite que soit créé dans chaque entreprise agricole un « compte d’épargne pour aléas climatiques et économiques ». Les bonnes années, l’épargne versée passe en charge, les mauvaises années, en produit.
Alain Juppé défend un dispositif « zéro charge employeur » au niveau du Smic, dégressif jusqu’à 1,8 Smic. Il entend également réduire de 10 milliards d’euros les cotisations sociales famille payées par l’employeur, et baisser le taux d’imposition des sociétés, au niveau de la moyenne européenne. Pour financer ces allègements, il table sur une hausse de la TVA d’un point. Il propose par ailleurs une réforme de la fiscalité agricole pour permettre aux agriculteurs de lisser leur revenu, et donc leur impôt sur une période de trois à cinq ans, avec un mécanisme « très simple d’utilisation », à la disposition de l’agriculteur, qui se substituera à la déduction pour aléas (DPA).
Investissement
François Fillon promet de relancer la recherche, notamment génétique et numérique, et de rendre les exploitations éligibles au crédit d’impôt pour la recherche. Et de préconiser la suppression du « principe de précaution ».
Alain Juppé s’engage à soutenir les efforts d’investissement et d’innovation en mobilisant le deuxième pilier de la Pac, la Banque publique d’investissement et les crédits du programme d’investissements d’avenir.
Pac et UE
François Fillon François Fillon projette de mettre fin aux sanctions contre la Russie et prône un renforcement de la préférence communautaire. Il ne veut s’interdire aucun mode d’intervention, notamment sur les stocks et les prix. Il propose de compléter la Pac par un programme d’aides directes et contracycliques ou pas selon les réalités de l’année, adapté aux productions, pays et régions. »
Alain Juppé vante le libre-échange, à condition de défendre les intérêts des entreprises lorsqu’ils sont menacés. Il imagine un observatoire européen indépendant des volumes et des prix pour anticiper les crises. Il défend par ailleurs une nouvelle Pac s’articulant autour de trois piliers : la gestion des risques, l’innovation et l’investissement.
Gestion des risques
François Fillon parie sur un mécanisme d’assurances marges couvrant les aléas climatiques, sanitaires et financiers, et suggère de transférer la couverture du risque climatique et les fonds qui permettent de la financer, à un fonds de mutualisation géré par les agriculteurs.
Alain Juppé opte pour une assurance revenu sur le modèle américain : en cas de baisse du prix en dessous du plancher, un paiement anticyclique serait versé, qui correspondrait à l’écart entre le prix plancher et le prix de marché.
Organisation des filières
François Fillon demande un « Grenelle des prix » et promet de réunir au lendemain de l’élection les acteurs de la filière laitière pour mettre en place « les conditions nécessaires permettant aux agriculteurs de vivre de leur travail ».
Alain Juppé encouragera la contractualisation pour donner à la négociation interprofessionnelle la même force que les accords de branche dans les entreprises.
Installation
François Fillon estime que le droit des fermages est devenu un frein à l’accès au foncier. Ce doit être, selon lui, le premier sujet à traiter pour le ministre de l’Agriculture. Il s’engage par ailleurs à protéger la transmission au sein de la famille, en instaurant un sursis d’imposition lors de la transmission d’une PME aux descendants pour faciliter l’installation.
Alain Juppé veut réfléchir à des « dispositifs originaux » de portage des moyens de production. Il souhaite ouvrir les conditions d’accès aux capitaux, à une transmission et une organisation sociale et juridique « plus adaptée aux réalités économiques ». Il entend s’appuyer sur des mesures fiscales facilitant la transmission par les aînés.
Stockage de l’eau
François Fillon préfère défendre les projets de stockage d’eau plutôt que les ZAD, et assure que son gouvernement s’y emploiera.
Alain Juppé veut encourager le stockage de l’eau, autant pour lutter contre les crises climatiques que pour renforcer la compétitivité. Il précise toutefois que les projets doivent faire l’objet de concertations entre toutes les parties prenantes pour éviter des conflits d’usage.
Circuits courts
François Fillon avance l’idée d’un crédit d’impôt et de prêts d’honneur « circuits directs agricoles » sans intérêt ni garantie. Il veut aussi permettre la vente directe de produits contre la remise de chèques déjeuners.
Alain Juppé s’engage à encourager la prospection de nouveaux marchés, la logistique et le développement de marques. En particulier pour les collectivités.
Ruralité
François Fillon souhaite multiplier les maisons de service public et ouvrir certains services à la concurrence. Il annonce également une révision des normes d’urbanisme « qui retardent l’investissement ».
Alain Juppé recommande une politique de réhabilitation de l’habitat dégradé et évoque un « droit à l’expérimentation sur le plan réglementaire et fiscal » en mettant en place des zones franches rurales issues de projets territoriaux.
Retraite
François Fillon s’engage à reculer l’âge de départ à la retraite à 65 ans, dans le but notamment de rééquilibrer le régime des retraites. Il projette également d’améliorer le montant des petites retraites, notamment agricoles.
Alain Juppé veut étudier la mise en œuvre d’une revalorisation des retraites « réellement financées ». Il prône ainsi le passage progressif à 65 ans de l’âge légal de départ à la retraite, afin de dégager les moyens d’une revalorisation au cours du prochain quinquennat, de l’ordre de 10 %.