, sont donc maintenant en ligne et chacun peut déposer son commentaire depuis ce lundi 9 septembre 2019 (pour déposer votre commentaire, suivez ce lien). Le décret encadre les règles d’élaboration des chartes départementales et leur validation par le préfet. L’arrêté fixe les distances minimales à respecter pour l’épandage des produits phytosanitaires.

 

Un double principe

Selon le communiqué des trois ministères, le dispositif repose sur un double principe :

  • Des distances nationales minimales à respecter entre les zones d’épandage et les zones d’habitation ;
  • La possibilité d’adapter ces distances minimales dans le cadre de chartes validées au niveau départemental, après échanges entre les agriculteurs, les riverains et les élus.

 

Les distances minimales à respecter sont fixées de la manière suivante par l’arrêté :

  • 10 mètres pour l’épandage des substances les plus dangereuses ;
  • 10 mètres pour les cultures hautes (viticulture, arboriculture notamment) et 5 mètres pour les cultures basses (céréales par exemple) pour les autres produits phytosanitaires.

Des évolutions possibles à l’avenir

Ces distances minimales pourront dans le cadre des chartes départementales être réduites à 3 mètres pour les cultures basses et la viticulture et à 5 mètres pour les autres cultures, « à la condition d’avoir recours à des matériels de pulvérisation les plus performants sur le plan environnemental. » Après cette phase de consultation, le décret et l’arrêté définitifs entreront en vigueur le 1er janvier 2020. Ils sont soumis à la consultation de la Commission européenne.

 

Les ministères précisent que « le projet d’arrêté prévoit que ces distances [minimales] puissent le cas échéant être adaptées à l’avenir, après expertise de l’Anses et au regard des nouvelles données scientifiques et des techniques d’application des produits. » Quant aux modalités d’information préalable aux traitements, ce sont les chartes qui les définiront. « Avec ce dispositif, la France se dote d’un cadre national pour la protection des riverains et deviendra un des seuls pays européens à instaurer de telles mesures. »

Surtransposition

« Un peu de cohérence ! » réclame la Coordination rurale, déçue de l’attitude d’un gouvernement qui « avait promis archi-juré d’arrêter la surtransposition de règles ». Pour sa conférence de rentrée, Bernard Lannes, le président du syndicat, est apparu très remonté contre cette mesure. « Nous avons toujours été clairs : si les phytos sont dangereux, qu’on les retire du marché car nous sommes les premiers exposés. Mais sinon, qu’on arrête la surtransposition… »

 

Il a également regretté un « manque de cohérence dans le comportement de certains de nos concitoyens », constatant que l’on traite les enfants [contre les poux] et les animaux domestiques [contre les puces] avec des produits interdits en agriculture… La Coordination rurale dénonce « l’impréparation de cette mesure » par le ministère. « Quand on demande, si ces fameuses ZNT sont créées, ce qu’on pourra y semer et comment il faudra l’entretenir, on n’a pas de réponses ».

 

« De trois à cinq mètres, ce sont déjà des milliers d’hectares » enlevés à la production agricole, a déclaré Bernard Lannes. « Ce sont des retraits importants de terres agricoles, ce qui représente un manque à gagner très important, surtout dans les zones périurbaines », a commenté auprès Christian Durlin, vice-président de la commission environnement à la FNSEA. « Nous pensons qu’il faut surtout se baser sur d’autres alternatives », a-t-il ajouté, précisant que la FNSEA souhaitait le développement de chartes locales.

Faire confiance aux scientifiques

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, s’est dite lundi « satisfaite » des propositions du gouvernement, assurant « faire confiance aux scientifiques » en la matière. « Nous sommes satisfaits de voir que ce n’est pas 150 mètres » qui ont été retenus, a-t-elle déclaré, lors d’une conférence de presse à Romillé (Ille-et-Vilaine). « Nous faisons confiance aux scientifiques qui ont dit que la préconisation, c’était 5 à 10 mètres selon les cultures », a-t-elle ajouté.

 

« Avec les chartes au cas par cas, on est capable de revenir à 3 mètres voire moins si on est capable de montrer que le riverain est protégé, a poursuivi Christiane Lambert. Qu’est-ce qui est important ? La distance ou le riverain ? Ce qui est important c’est que le riverain soit protégé. Mon voisin a une haie, un mur, je peux m’approcher au plus près de chez lui. Ce n’est pas une question de distance, c’est une question de pratique. »

Sept chartes signées

À l’heure actuelle, sept chartes départementales ont été signées et « on pense qu’il y en aura 30 fin septembre », a ajouté Christiane Lambert. « L’objectif c’est 100 % fin décembre ».

Mardi 10 septembre, la FNSEA envoyait finalement un communiqué dénonçant un projet « inacceptable », « avec des obligations qui n’ont été ni concertées ni même évoquées ».

 

Les Jeunes agriculteurs souhaitent également « privilégier les solutions locales et concertées », tout en s’opposant « à toute notion de distance ». Ils fustigent un gouvernement qui « préfère le réglementaire hors-sol au bon sens des acteurs locaux ».

 

Pour Éric Thirouin, président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), « l’empilement des contraintes devient insupportable pour les producteurs de grandes cultures. Il n’appartient pas aux agriculteurs de supporter les conséquences des décisions des maires et des aménageurs sur l’extension des lotissements et ce n’est pas aux agriculteurs de payer ! » complète-t-il.

Toujours pas assez selon les associations

Pour France Nature Environnement, les distances proposées sont « vraiment insuffisantes ». Nicolat Hulot pense qu’il « faut aller plus loin ». David Cormand, secrétaire national d’Europe Écologie Les Verts, reconnaît un caractère « historique » à cette décision, mais estime qu’« une zone tampon de 5 à 10 mètres, ça n’a pas de sens ». Yann Arthus-Bertrand, président de la fondation Good Planet, évoque, lui, un « poisson d’avril ».

 

De son côté, Générations futures met en cause des « carences » et une « méthodologie obsolète » au sujet de l’évaluation de l’exposition des riverains aux produits phytosanitaires de l’Anses, document d’expertise qui a servi de base pour le gouvernement.

« Besoin de manger »

« On a aussi besoin de manger… Nous avons aujourd’hui la prise de parole de Yann Arthus-Bertrand ou de Nicolas Hulot, c’est très bien, mais ce sont des gens qui veulent zéro pesticide », a relevé Agnès Buzyn, ministre de la Santé, dans l’émission « Questions politiques » (France Inter/franceinfo/Le Monde). « Moi aussi j’adorerais qu’on n’utilise plus aucun produit chimique mais j’ai appris aussi, parce que je suis médecin, que quand on n’utilise plus rien, parfois l’alimentation est contaminée et je dois faire attention à ce qu’on ne retrouve pas des maladies qui avaient disparu », a-t-elle indiqué.

 

Ces normes ont « été fixées par un groupe d’experts de l’Anses, qui sont des experts indépendants où le lobby de l’agriculture n’est pas », a insisté la ministre pour qui « ce ne sont pas les lobbies qui font la loi ».

La législation française, une des plus restrictives selon l’UIPP

Selon l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), la France est « l’un des pays les plus restrictifs » à l’égard des dispositions légales assurant la sécurité des riverains. Elle a fait le point mardi 10 via communiqué sur le dispositif réglementaire existant. « La protection des riverains est une préoccupation majeure tout au long du processus d’homologation des produits phytopharmaceutiques », assure-t-elle.

 

L’UIPP souligne que le règlement européen n° 1107/2009, qui encadre la mise sur le marché des produits pharmaceutiques, « requiert systématiquement l’évaluation du risque pour les riverains ». Pour être autorisé, un produit doit montrer une absence de risque à court ou long terme pour une personne exposée tous les jours de sa vie, à toutes les sources potentielles de pesticides, explique l’UIPP. « Cette situation totalement théorique est par nature très éloignée des conditions d’exposition potentielles des riverains », poursuit-elle.

 

 

(article paru le 07/09/2019 à 17h17 puis complété le 11/09/2019 avec de nouvelles réactions)