Les prix des céréales et du colza diminuent encore cette semaine sous l’effet des nouvelles canadiennes et australiennes et en raison de l’importance des quantités de blé fourrager dans l’Europe.
Les prix français chutent encore au contraire des prix russes
La semaine a été marquée par quelques nouvelles considérées comme baissières sur le marché mondial. Après son estimation de récolte la semaine dernière, l’office canadien de la statistique (StatCan) a publié son estimation des stocks au 31 juillet 2021 : ces stocks étaient supérieurs à ce qui était prévu suggérant des utilisations animales revues à la baisse pour la campagne de 2020-2021 dans ce pays.
Parallèlement, en Australie, l’office de la statistique Abares a publié une estimation de récolte de blé très élevée, supérieure aux attentes (32,6 millions de tonnes). Nous retenons un niveau légèrement inférieur pour l’instant car le cycle cultural n’est pas terminé et les apports hydriques des deux prochains mois seront déterminants. Néanmoins, la prévision d’Abares est venue rappeler les bonnes perspectives de récolte de l’hémisphère Sud renforcées par des pluies bénéfiques ces jours derniers en Argentine.
Dans l’Union européenne (UE), la récolte suit son cours et les estimations sont de nouveau revues à la baisse ; le Coceral (association des exportateurs) place la récolte de blé tendre à 143,4 millions de tonnes aujourd’hui, un niveau avec lequel nous sommes d’accord. La récolte française a déçu et se situe à moins de 36 millions de tonnes. Malgré ces déboires, l’UE à 27 a engrangé 10 millions de tonnes de plus que l’an dernier (+15 millions de tonnes, Royaume-Uni inclus).
Déboires qualitatifs en France mais ajustement rapide des prix fourragers
L’appréciation de la qualité récoltée reste en cours ; cette semaine, les premiers résultats de l’enquête Arvalis/FranceAgriMer ont été publiés. Ils viennent confirmer des performances très correctes pour les taux de protéines (77 % des blés analysés au 31 août 2021 présentaient un taux de protéines supérieur à 11,5 %).
En revanche, ils illustrent le grave problème de poids spécifique cette année avec seulement 39 % des blés analysés au 31 août présentant un PS supérieur à 76 kg/hl. Les indices de Hagberg ne sont pas extraordinaires mais ne posent pas de problème particulier (72 % supérieurs à 220 s).
Avec l’intégration des résultats du nord de la France, le pourcentage de bas PS risque de se dégrader encore. Au total, en tenant compte des adaptations que les utilisateurs feront (acceptation de niveau à 74 pour certaines utilisations meunières), ces résultats nous conduisent à estimer qu’un peu plus de 40 % de la récolte de blé française sera considérée comme fourragère, ou plutôt inadaptée à des utilisations en meunerie.
Comme mentionné la semaine dernière, la réaction des opérateurs à cette situation a été rapide et un très gros décompte demeure encore cette semaine entre les prix meuniers et les prix fourragers (presque 30 €/t). Ce décompte est favorable à l’utilisation des blés fourragers en alimentation animale ; il est observé en France mais aussi dans le nord de l’UE (pays baltes notamment). Il est favorable à l’exportation de ces blés dégradés vers pour les utilisations animales dans les autres pays de l’UE.
Comme la semaine dernière, le marché a été animé par plusieurs achats dont 300 000 tonnes par l’Égypte (60 000 tonnes de blé russe et le reste de blé ukrainien), et 75 000 tonnes par la Tunisie.
Dans ce contexte, les prix meuniers français se sont affaissés de 4 à 11 €/t selon les échéances, à 240 €/t rendu Rouen pour l’échéance d’octobre-décembre (base : juillet). Cette baisse a eu lieu a contrario de l’évolution observée en Russie (+8 $/t pour les blés russes) où la vente à l’Égypte, les ventes rapportées vers l’Iran et les niveaux décevants de récolte soutiennent les prix.
Toujours plus haut pour les cotations brassicoles
Les prix des orges fourragères se sont encore légèrement affaissés cette semaine, de 2 €/t, à 221 €/t rendu Rouen (base : juillet). L’orge a été influencée par le blé, la concurrence qu’elle subit de la part du blé fourrager notamment, mais aussi par la concurrence de la mer Noire.
Faisant suite à leur baisse des deux dernières semaines, les orges fourragères françaises valent maintenant 268 $/t Fob Rouen, soit seulement 5 $/t de plus que les orges ukrainiennes. Le rapprochement de prix des deux origines devrait désormais limiter la chute des prix français dans un contexte encore très tendu pour les orges à l’échelle mondiale. La Tunisie vient d’acheter cette semaine 100 000 d’orge fourragère, la Turquie 245 000 tonnes et l’Algérie 60 000 tonnes.
Sur le créneau brassicole, les prix continuent de s’envoler à cause des déboires qualitatifs sur les orges de printemps et la situation très déficitaire qui s’annonce. Le prix Fob Creil gagne encore 2 €/t pour les variétés d’hiver (à 252 €/t) et 7,5 €/t pour les variétés de printemps (à 280 €/t).
Le maïs perd aussi un peu de terrain
Les prix du maïs de la nouvelle récolte baissent aussi en sympathie avec ceux du blé et de l’orge ; le maïs Fob Rhin perd 6 €/t cette semaine (à 230 €/t) et le maïs Fob Bordeaux 3 €/t, à 219 €/t en base juillet. Sur le marché mondial, les prix sont au contraire en hausse cette semaine aux États-Unis (USA) et au Brésil à la suite d’une nouvelle révision à la baisse de la récolte brésilienne. Les opérateurs sont toutefois dans l’attente de la publication du rapport l’USDA concernant l’offre et la demande mondiale, anticipant une révision à la hausse de la surface du maïs US.
Les prix pourraient baisser en réaction ce soir si l’USDA révise bien ces surfaces en hausse mais le mouvement sera contraire sinon. Les besoins de la Chine restent très élevés mais sont légèrement revus en baisse ces derniers jours.
Léger effritement des cours du soja
Après la nette baisse de la semaine dernière, les prix du soja sur le marché à terme de Chicago ont encore perdu un peu de terrain cette semaine : –9 $/t sur le rapproché (463 $/t), –3 $/t pour l’échéance de novembre, la plus échangée (à 467 $/t).
Peu de facteurs de soutien ont agi sur le complexe soja aux États-Unis, où l’issue prochaine de la récolte se rapproche sans mauvaise surprise jusqu’à présent. En revanche, le cours du soja Fob Brésil a gagné 12 $/t par rapport à la semaine dernière sur le rapproché (arrivant à 553 $/t).
Outre le fait que la fève brésilienne disponible à l’exportation soit désormais rare, soutenant le prix, il est possible qu’un sursaut de demande se soit rabattu des USA vers l’Amérique du Sud après que l’ouragan Ida est venu créer du retard dans les programmes de chargement des navires au départ du golfe du Mexique. La saison des semis va débuter au Brésil et en Argentine, dans des conditions assez sèches, surtout dans le sud du Brésil dans les États de São Paulo et du Paraná.
De plus, les craintes de voir se mettre en place le phénomène météorologique de La Niña sont toujours d’actualité, ce qui pourrait accentuer le déficit hydrique de certains bassins de production. Bien que les rapports de compétitivité entre soja et maïs pour les surfaces à semer en Amérique du Sud soit relativement neutres, le maïs offre plus de marge de manœuvre en termes de dates de semis, ce qui est un atout en cas de fortes incertitudes sur la pluviométrie des prochains mois. De plus, les taxes à l’exportation sont bien moins élevées pour le maïs que pour le soja en Argentine (12 % contre 33 %).
Le prix du tourteau de soja a peu varié sur la semaine
Les prix du tourteau de soja à Chicago ont à peine suivi la baisse du cours de la fève. Ils ne se sont effrités que de 2 $/t sur la place boursière de Chicago (à 371 $/t). Les cours sont toutefois restés plutôt fermes sur le marché français (+3 €/t, à 403 €/t à Montoir), compte tenu d’un retour progressif aux achats des fabricants d’aliments qui ont profité d’un regain de compétitivité du tourteau face au blé.
Par ailleurs, le prix du tourteau argentin a vu son prix monter de 3 $/t sur la semaine (à 390 $/t). Les exportateurs font actuellement face à de grands défis logistiques consécutifs au faible niveau d’eau du fleuve Paraná. Des chargements de tourteaux doivent en effet être acheminés jusqu’aux ports de la façade atlantique, voire jusqu’aux ports brésiliens, ce qui engendre des surcoûts imprévus. Ces frais sont pour le moment absorbés par les exportateurs eux-mêmes mais l’origine argentine pourrait perdre en compétitivité si les difficultés venaient à persister.
D’autre part, le prix du pois départ Marne s’est encore apprécié de (+10 €/t, à 300 €/t) cette semaine. Les perspectives d’offre françaises et européennes, aussi bien en matière de qualité que de quantité, demeurent très décevantes.
Légère baisse des cours du colza
Les prix du canola canadien ont connu une forte baisse cette semaine (–52 $/t, à 672,8 $/t pour l’échéance de novembre). En effet, malgré l’arrivée de la récolte confirmant les rendements attendus comme décevants, les cours du canola sont en baisse à la suite de la publication par StatCan des stocks de canola au 31 juillet. Ils ont ainsi atteint 1,8 Mt (contre 0,7 Mt initialement prévu par le ministère de l’agriculture canadien). Le marché canadien a également été influencé à la baisse par le repli des cours du soja (de bonnes récoltes sont à venir aux États-Unis), et du pétrole (l’expansion du variant Delta affecte la demande en énergie).
Le prix du colza rendu Rouen s’est légèrement affaissé de 4 €/t sur la semaine (à 575 €/t) en réaction à cette baisse des prix canadiens. Cette diminution est toutefois très limitée. En effet, les prix de l’huile de colza à Rotterdam sont restés extrêmement élevés cette semaine (à un niveau historiquement élevé de 1 370 €/t), ce qui soutient les marges de trituration du colza. Cela stimule l’intérêt des acheteurs européens pour les colzas locaux et empêche les prix de diminuer fortement. Les prix ont aussi très peu diminué en Fob Moselle (–3 €/t, à 576 €/t) et sur le marché à terme d’Euronext (–3 €/t pour l’échéance de novembre).
Avec la chute des prix canadiens, les canolas sont maintenant compétitifs rendus dans l’ouest de l’UE, ce qui devrait stimuler les exportations canadiennes vers l’UE sur les mois à venir.
À suivre : résultats sur les quantités et qualités des blés dans l’UE, taille finale de la récolte russe, évolutions des estimations de récolte aux USA, météo aux US et en Amérique du Sud (soja), dans l’UE et dans la zone de la mer Noire (tournesol), récolte de canola au Canada, prix du pétrole, demande en huiles et tourteaux de la Chine.