Les mots sont durs. « La cupidité poussée à l’extrême, vraiment sans foi ni loi ! Honteux !! » Christiane Lambert, l’agricultrice présidente de la FNSEA, ne décolère pas. Et pour cause, elle vient de lire un article rappelant les liens entre Carrefour et L214, ravivant un débat qui court depuis l’été.

Une explication @CarrefourFrance ?
La cupidité poussée à l’extrême, vraiment sans foi ni loi!
Honteux!!@dguillaume26 @BrunoLeMaire @gouvernementFR @FCDfrance @dgccrf @GDarmanin @EPhilippePM @OlivierMEVEL @Dauvers70 @pugetyves @LSAconsommation @UFCquechoisir @clcvorg https://t.co/xYCzSWbZeZ

— Christiane Lambert (@ChLambert_FNSEA) October 1, 2019 ]]>

L’article en question a été publié le jour même, sur le site Infoguerre.fr. On peut y lire que « le groupe Carrefour a utilisé L214 en 2015 et 2016 à des fins commerciales pour le moins discutables ». Des sous-entendus suffisants pour enflammer la profession.

L214 sur le gril

Infoguerre.fr est décrit comme le site d’un « centre de réflexion sur la guerre économique. L’auteur de l’article, Jamil Abou Assi, est consultant en business intelligence et en risk management, mais également auteur d’un livre intitulé « Écoterrorisme. Altermondialisme, écologie, animalisme », publié en avril 2016.

Dans cet ouvrage, justement, on peut lire que L214 « n’est pas subventionnée et que toutes ses ressources proviennent de dons et de participations de fondations et d’associations partenaires ». À l’époque de sa publication, la question du financement de l’associationà hauteur de 1,14 million d’euros par Open Philanthropy project n’avait pas été soulevée. La gamme Carrefour Veggie, quant à elle, existait.

Une gamme abolitionniste ?

La gamme Carrefour Veggie a été lancée en octobre 2015, et adoubée quelques mois plus tard par L214. Infoguerre estime que « cette entente a été le véritable accélérateur de la politique commerciale de Carrefour ». Le début d’une idylle qui aurait conduit, un an plus tard, à l’arrêt des œufs de poules élevées en cage.

Sur le blog de L214, un article publié en mars 2016, intitulé « 7 alternatives vegans hyperpratiques vendues en supermarchés » semble conforter cette analyse. Carrefour Veggie y est citée en premier, dans des termes plutôt élogieux : « Le choix est large, les produits sont pratiques : quelques minutes à la poêle et le tour est joué ! »

Capture d’écran du blog L214 réalisée le 2 octobre 2019.

Un peu plus tard, en 2017, dans un ouvrage intitulé « L214 », rédigé par l’écrivain Jean-Baptiste Del Amo, Carrefour figure en bonne place. Auchan, Intermarché Leclerc et Système U ne sont cités que 2 fois chacun, alors que Carrefour et Monoprix font l’objet de 5 mentions.

Un passage évoque même spécifiquement la marque Carrefour Veggie. Bérénice, ancienne militante L214 et à la tête du projet VegoResto, parle de son aventure dans la restauration végétarienne : « Le groupe Carrefour a souhaité nous rencontrer à plusieurs reprises afin de discuter de la gamme Carrefour Veggie qu’il s’apprêtait à commercialiser. » « Nous n’avions pas conscience de montrer une préférence », se défend Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214.

Extrait de L214, Jean-Baptiste Del Amo, Flammarion, 2017

Aucun don selon L214 mais des relations suivies

La mention de Carrefour Veggie sur le blog ? « Ils nous avaient fait goûter lors du lancement. À l’époque, Carrefour était d’ailleurs très clair : ce n’était pas les végans qui étaient visés, mais les flexitariens. Nous sommes toujours heureux de tester des produits, de voir que la gamme s’élargit. Mais nous ne sommes pas pour autant représentatifs de l’ensemble des végans en matière de goût. D’autres associations sont plus pointues sur le sujet », souligne Brigitte Gothière.

L’association rappelle une nouvelle fois qu’elle ne reçoit aucun financement de Carrefour. « Nous avons des relations suivies avec Carrefour, comme avec Monoprix et Système U, mais nous ne recevons aucun don de la grande distribution », explique Brigitte Gothière.

L’information est confirmée par Carrefour, qui dénonce une « fake news ». Le distributeur souligne qu’il a retweeté sur son compte officiel, début septembre, un post de L214 assurant que « L214 n’a jamais reçu, sous une forme ou une autre, de financement, d’argent, de versement de Carrefour ». « Nous travaillons dans le dialogue avec toutes les parties prenantes, mais nous n’avons aucune intention d’arrêter de vendre de la viande », rappelle la direction.

Ivan Logvenoff

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