Les défenseurs de la cause animale n’ont pas fini de voler dans les plumes des chasseurs. Dernière envolée en date : celle de Gabrielle Paillot. Se présentant comme une « citoyenne militante pour les droits des animaux depuis plus de 5 ans », elle a lancé le 3 juin une pétition pour interdire « l’option chasse au bac dans les lycées agricoles de France ». Publiée sur le site Mesopinions.com, elle rassemblait le 18 juin 2020 près de 80 000 signataires, soit, au passage, 13 fois de plus que celle lancée récemment par un groupe d’enseignants contre la fermeture de leur lycée agricole en Seine-Saint-Denis.
Deux établissements visés…
Cette « option chasse », ou plus exactement « Gestion cynégétique, faune sauvage » selon son libellé officiel, est actuellement enseignée dans deux établissements privés sous tutelle du ministère de l’Agriculture : l’Institut Saint-Eloi à Bapaume, dans le Pas-de-Calais, et l’Institut Saint-Joseph à Limoux, dans l’Aude.
Les 2 500 commentaires attachés à la pétition insistent sur le caractère « odieux », « honteux » de cet enseignement et appellent à l’abolition de la chasse. La militante prend appui dans sa pétition sur une vidéo postée sur YouTube dans laquelle un ancien élève « d’un de ces lycées », raconte, à visage caché, l’horreur d’une battue qu’il aurait suivi dans le cadre de son « bac GMNF ».
Pour la militante de la cause animale, cette vidéo a été un déclic selon le journal L’Avenir de l’Artois : « J’ai été choquée. J’ai fait des recherches sur Google concernant ces sections et j’ai lancé la pétition. » Des recherches sans doute incomplètes car le diplôme cité par le jeune n’est pas enseigné au sein de l’Institut Saint-Éloi, ni à l’Institut Saint-Joseph, selon les deux établissements que La France Agricole a pu interroger.
La militante écrit également dans sa pétition être « horrifiée de constater que l’on puisse enseigner à la jeunesse le maniement des armes et le crime ». Une affirmation qui semble, là encore, être une erreur pour les directions des deux établissements.
… mais faussement accusés
« Nous ne proposons pas d’option “chasse” et n’avons jamais fait le choix de promouvoir auprès des élèves la pratique de cette activité, explique Franck Bouzat, directeur de l’établissement audois. Nous proposons aux élèves une option “Gestion cynégétique et faune sauvage”. C’est une option facultative qui est proposée aux jeunes des filières forêt et STAV (1) de l’établissement. L’objectif est de donner aux jeunes des connaissances et une expérience de l’impact de la chasse sur l’environnement, la sécurité et le respect des autres usagers de la nature. »
L’écho est identique du côté du Pas-de-Calais. L’Institut Saint-Eloi a organisé ce 18 juin 2020 une conférence de presse pour « rétablir la vérité ». L’établissement raconte avoir été contacté par son autorité académique, la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) des Hauts-de-France, pour s’expliquer sur les griefs portés par cette pétition et la vidéo qui y est attachée. « On n’avait même pas connaissance de ces éléments, relate Stéphanie Douale, directrice de l’établissement. Jamais une battue n’a été organisée. »
« Concilier agriculture et cynégétique »
Thomas Vachet, enseignant de l’option dans le lycée de Bapaume, explique que celle-ci a été ouverte il y a deux ans après que l’établissement a postulé auprès du ministère de l’Agriculture qui a créé cette option en 2013. Ils sont près d’une quarantaine élèves, répartis en première et terminale bac pro et bac techno, à avoir choisi de suivre cette option facultative.
« Ils sont étonnés comme nous du caractère injuste de la pétition, souligne l’enseignant qui est également chasseur. L’objectif de l’option n’est pas de chasser mais de concilier agriculture et cynégétique par de l’aménagement du territoire et de l’utilisation de matériels agricoles bénéfiques à la faune sauvage. »
En plus de deux heures de cours par semaine, les jeunes participent à la plantation de haies, à des opérations de comptage, à de l’agrainage et à la gestion de bords de chemin. « Nous avons même fabriqué avec les élèves une barre d’effarouchement », précise Thomas Vachet.
Les chasseurs tirent eux aussi leur pétition
La direction de l’Institut Saint-Eloi ne compte pas pour l’heure donner de suites juridiques à cette affaire. Elle a en revanche annoncé qu’elle se rapprocherait de la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) de son département pour qu’elle puisse intervenir dans le cadre de cette option tout comme la Fédération des chasseurs du Pas-de-Calais.
Willy Schraen, président de cette dernière mais également président de la Fédération nationale des chasseurs, a publié le 13 juin 2020 de son côté sa propre pétition pour demander le maintien de cette option à l’Institut Saint-Eloi. Si elle compte plus de commentaires (3 500) que celle de Gabrielle Paillot, seuls 9 000 signataires l’ont pour l’instant signés.
« Nous nous devons de réagir en masse pour contrer ces naturalistes qui veulent détruire notre monde et celui de nos enfants et petits-enfants », écrit Willy Schraen, qui appelle les chasseurs, les agriculteurs et « tous les ruraux en général » à signer sa pétition.
(1) Sciences et technologies de l’agronomie et du vivant.