À partir d’aujourd’hui, jeudi 30 juillet 2020, le régime des travailleurs détachés est régi par de nouvelles règles européennes établies par la directive 2018/957 qui révise la première directive « détachement » de 1996. Le décret du 28 juillet 2020 qui le rend applicable en France les lie à la « lutte contre la concurrence déloyale ».
La ministre du Travail, Elisabeth Borne, estime que ce changement est « une étape importante » parce que « depuis dix ans, le recours au travail détaché a plus que doublé et que la nature dérogatoire et temporaire de ce dispositif a été dévoyée dans certains cas. » Pourtant, à y regarder de près, les nouvelles règles sont encore loin d’être une révolution.
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Rémunération équivalente
Désormais, la rémunération du travailleur détaché doit « être la même que celle d’un salarié employé par une entreprise établie en France réalisant les mêmes tâches ». Auparavant, les règles ne prévoyaient qu’une rémunération au moins égale au Smic. Donc, si la tâche est rémunérée au Smic, les nouvelles règles ne changent rien. De même, les nouvelles règles ne changent rien au différentiel lié aux cotisations sociales. Elles restent celles du pays d’origine, ce qui fait le coût du travail d’un détaché peut rester inférieur à celui d’un national.
En revanche, le nouveau décret prévoit l’application des conventions collectives du pays d’accueil aux travailleurs détachés, qui pourront ainsi bénéficier des mêmes primes ou encore des mêmes remboursements que les nationaux. Les frais professionnels de transport, de repas ou d’hébergement seront dus au travailleur détaché s’ils sont prévus dans la convention collective.
Un nouveau statut du travailleur détaché
Les nouvelles règles créent un statut de détachement de longue durée de plus de douze mois. Avec celui-ci, le travailleur détaché bénéficiera de tous les droits applicables aux salariés nationaux, à l’exception des dispositions relatives à la conclusion et à la rupture du contrat de travail. Cette durée pourra être allongée de six mois supplémentaires si l’entreprise effectue une déclaration motivée. Cette disposition est à comprendre dans l’autre sens de sa présentation : dans les faits, elle limite à douze mois le statut de travailleur détaché. Du fait de sa saisonnalité, l’agriculture n’est pas forcément touchée par ce point mais il peut concerner le bâtiment, un autre grand secteur employeur de travailleurs détachés.
Le transport routier n’est pas concerné par ces nouvelles dispositions. Il a fait l’objet d’une législation particulière adoptée par le Parlement européen en juillet 2020.
Une volonté de lutter contre les abus
Le deuxième aspect de ces nouvelles règles a trait au contrôle des abus. La directive permet de nouvelles sanctions contre les fraudes et une transparence renforcée pour le détachement en chaîne, quand une entreprise étrangère de travail temporaire met des intérimaires à la disposition d’une autre entreprise étrangère qui effectue une prestation en France. Les Direccte (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) ont désormais la possibilité d’interdire une nouvelle prestation de service à une entreprise prise en défaut de paiement d’une amende administrative en matière de détachement sans attendre la réalisation d’une nouvelle prestation.
Pour autant, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, affiche la volonté d’aller plus loin dans le contrôle de ce secteur. Une concertation doit s’ouvrir avec les partenaires sociaux à la rentrée pour élaborer d’ici à la fin de l’année des plans de réduction de recours au travail détaché dans les secteurs les plus concernés, dont l’agriculture.
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