Après la guerre des prix en rayon, la tendance serait-elle à qui paiera le mieux les producteurs ? Intermarché a pris une longueur d’avance en la matière, ce mardi 6 février, en lançant la marque « Les éleveurs vous disent merci ! ». Prix payé aux éleveurs partenaires : 44 centimes par litre, contractualisés sur cinq ans, pour un prix de vente de 0,88 €/l dans ses rayons. Qui dit mieux ?
Sur chaque brique, la mention de ces 44 centimes apparaît distinctement à côté du visage du producteur, sous un gros « Merci ! ». « Nous comptons sur un acte citoyen de la part du consommateur, justifie Gaël Drouet, l’un des 5 éleveurs ambassadeurs ayant posé pour la cause. Quand il va faire son achat, il saura pourquoi il le fait ! »
Les 44 centimes restants se répartissent entre les coûts logistiques (20 centimes), les frais de magasins (20 centimes) et la TVA (4 centimes).
5 millions de litres pour commencer
Cette démarche est le fruit d’une collaboration entre un groupement d’éleveurs des Pays de la Loire et la laiterie de Saint-Père-en-Retz (Loire-Atlantique), qui appartient à Agromousquetaires. « C’est avant tout leur bébé, nous ne sommes que la mère porteuse », insiste René Grelaud, directeur de la filière laitière du groupe de distribution.
136 éleveurs sont pour l’instant concernés, sur les 400 partenaires de la laiterie. Ils visent la commercialisation d’au moins 5 millions de litres sous cette nouvelle bannière, soit 10 % de la production du groupement créé pour l’occasion. L’enseigne assure qu’elle n’hésitera pas à viser plus haut, si la clientèle répond favorablement. Elle mettra en tout cas le paquet en communication pour y parvenir, avec la sortie d’un spot publicitaire pour la fin de février.
Zéro marges pour la transformation
Pour garantir le prix payé aux producteurs sans dépasser les 88 centimes en rayon, il a fallu « repenser notre modèle organique, casser les rythmes de production, travailler sur des algorithmes de gestion de production », explique René Giraud.
« Nous, on croit à la verticalité, en ne faisant qu’un entre le transformateur et le distributeur, précise Thierry Cotillard, président d’Intermarché, présent pour le lancement de la marque. C’est ce qui nous permet ce travail sur les prix : on est capable de faire 0 marge au niveau de l’industriel. »
Concernant la facturation, là encore, « il a fallu inventer un nouveau système » : les 400 éleveurs collaborant avec la laiterie sont payés au même prix de 330 €/1 000 l. La différence de 11 centimes due aux producteurs engagés, pour la part commercialisée sous la nouvelle marque, est versée sur un fond puis redistribuée une fois l’an, au prorata de leurs livraisons totales.
Fierté et reconnaissance
La démarche devrait être étendue au beurre et à la crème d’ici à la fin du premier semestre de 2018, annonce Intermarché. Et les filières des porcs et des bœufs sont à l’étude. « Nous n’aurions pas pu nous en sortir tout seul sans l’aide d’un distributeur, confie Valéry Cheneau, président du groupement de producteur de la laiterie Saint-Père. Mais si nous avons été capables de monter ce projet, d’autres pourront le faire aussi, avec d’autres entreprises. Est-ce qu’ils le voudront ? Ça, c’est un autre débat… »
Pour son collègue Gaël Drouet, « cette brique de lait, ce n’est pas que les 44 centimes. C’est aussi une fierté et une reconnaissance. Quand j’ai posé celle à mon effigie sur la table et que j’ai vu les yeux de mes filles, je me suis dit : voila, c’est au moins ça de réussi ! »