Au-delà des incertitudes sur les surfaces qui seront semées, « un point critique est le carburant », à la fois concernant les volumes disponibles mais aussi les difficultés de livraison, selon Sergey Feofilov, directeur général d’UkrAgroConsult, cabinet de conseil basé à Kiev.

 

L’expert sur les marchés des céréales en Ukraine et dans les pays de l’est de l’Europe témoignait, le 16 mars 2022, lors d’une conférence exceptionnelle en soutien « aux acteurs de l’agriculture d’Ukraine » organisée par l’Académie de l’agriculture de France. Depuis plusieurs mois, l’académie préparait une séance commune avec l’Académie des sciences agraires d’Ukraine (NAAS), dont elle a décidé de changer le programme faisant suite au début de la guerre avec la Russie.

Impact de la durée du conflit

Pour les semis de printemps, le ministre ukrainien de l’Agriculture annonce que 50 % des surfaces seront plantées, 20 % sont incertaines — cela dépendra des actions militaires — et 30 % ne seront pas plantées, rapporte Sergey Feofilov.

 

Dans sa lettre hebdomadaire de la troisième semaine du mois de mars, UkrAgroConsult estimait pour sa part une réduction des surfaces de 11 % pour le blé, 13 % pour le colza, 18 % pour le soja, 29 % pour l’orge et le maïs et 49 % pour le tournesol. Cette dernière culture serait particulièrement touchée par une réduction de surfaces car elle est principalement destinée à l’exportation et le gouvernement ukrainien a demandé aux agriculteurs de se tourner vers des cultures de printemps « alimentaires » comme l’orge.

 

C’est une estimation « optimiste » pour plusieurs raisons prévient le cabinet de conseil. En premier lieu car elle table sur « une fin du conflit d’ici à 4 semaines ». De plus, dans les zones de combat, des surfaces en cultures d’hiver plus importantes que celles estimées pourraient être détruites. La qualité des grains pourrait aussi être impactée car les interventions (fertilisation, traitement…) ne pourront pas être effectuées du tout ou pas dans les meilleures conditions.

75 % des besoins en semences couverts

Sergey Feofilov estime que les besoins en semences sont couverts à 75 % et ceux en produit de protection des cultures seulement à 55 %. « Il pourrait y avoir des transferts entre région mais là encore il a des problèmes de logistique », détaille-t-il. C’est le cas également en ce qui concerne les transferts habituels de matériel, notamment pour le semis, du sud vers le nord du pays. « C’est très compliqué actuellement de bouger d’une région à l’autre », explique-t-il.

 

Le ministère de l’Agriculture a mis à disposition une plateforme en ligne sur laquelle les agriculteurs peuvent déclarer leurs prévisions de semis et donner des informations sur la situation sur leur exploitation. « Cela permettra également d’avoir de la visibilité sur la prochaine campagne », commente-t-il.

Exportations bloquées

Certains producteurs de céréales n’avaient pas encore commercialisé leur récolte de 2021 et les exportations sont difficiles car la quasi-totalité des ports sont bloqués. Des solutions alternatives ont été mises en place par le rail et les camions, mais cela représente un volume potentiel d’exportation de 300 000 à 400 000 tonnes par mois, « c’est 8 à 10 fois moins que par les bateaux », calcule Sergey Feofilov.

 

Néanmoins, selon lui, « si les actions militaires cessent, l’Ukraine sera en mesure de rétablir le niveau d’exportation d’avant-guerre via le port maritime en deux-trois semaines. »