Un jeune homme à lunettes, l’air triste, tient une grande feuille de papier. Sur celle-ci on peut lire « Boucher, pas un métier ». En dessous du slogan s’étale une photo peu flatteuse d’un abattoir.
Comme lui, au même instant, à Tours, Paris, Nice, et ailleurs, d’autres jeunes femmes et d’autres jeunes hommes posent devant les vitrines de boucheries, de charcuteries ou même de poissonneries avec le même t-shirt. Tous participent à ce « happening national synchronisé contre le zoocide ». Afin de donner du poids à leurs mots, un certain nombre d’entre eux porte même des bêtes mortes dans les bras.
Par cette action, trois associations de la galaxie anti-spéciste, Boucherie Abolition, 269 Life France et Direct Action Everywhere France veulent rappeler leur opposition à l’élevage, en attirant l’attention de la clientèle et des médias.
Action directe ou action médiatique ?
Ce sont les clients, dans de nombreux cas, qui ont alerté les commerçants sur la présence des jeunes personnes devant leur devanture. « Ils sont venus au moment où on a le plus de monde », explique une charcutière des Yvelines. L’action avait été prévue pour onze heures ce samedi matin, une heure de pointe chez les bouchers charcutiers.
Loin de l’image violente qu’aura pu donner l’interaction entre un boucher parisien et l’une des organisatrices de l’événement, les activistes sont demeurés souvent discrets, ne restant que le temps de prendre une photographie avant de s’en aller.
« Les deux femmes sont restées cinq minutes à peine dehors », confirme un boucher de Tours. En Provence, l’un de ses collègues a pu discuter brièvement avec les jeunes gens, sans parvenir à mieux comprendre les motivations : « Ils m’ont dit qu’ils manifestaient contre la viande, raconte le commerçant, puis ils sont repartis. »
Vocabulaire choc
Les anti-spécistes les plus radicaux, comme l’explique le dernier hors-série de La France Agricole, prennent souvent appui sur l’exemple du nazisme pour illustrer leurs propos. Dans le communiqué envoyé dimanche soir, l’association Boucherie Abolition explique ainsi vouloir : « Nommer sans détour les acteurs criminels du zoolocauste afin d’en abolir le statut légal. »
Ce texte confus hésite entre le lyrisme et le registre militant, comme le montre l’extrait suivant :
« Les bouchers vendent de la haine, ils sont les proxénètes de la viande et la charcuterie est le charcutage d’individus uniques qui souffrent dans leurs corps d’une fonction alimentaire pulvérisant leur dignité. Qu’aucune jambe ne soit plus jamais jambon. »
Boucherie Abolition
Les associations inquiètent la police
Alerté sur le risque de manifestations, le commissariat de Versailles avait organisé des patrouilles le matin même chez les commerçants, les encourageant à être vigilants. Plus de peur que de mal à l’issue de cette journée, puisque seule une charcuterie a été visée par le happening. « Ils ne nous ont pas du tout embêtés », explique la propriétaire de ce magasin, avant de rappeler qu’on ne peut voir dans sa devanture que des hors-d’œuvre, salades, tomates gratinées et autres carottes râpées.
Si elles inquiètent les forces de l’ordre et les commerçants, les associations anti-spécistes ne semblent pas encore en mesure de mener des actions de poids, notamment en raison de leurs financements limités. Leur effet sur l’opinion à moyen terme pourrait cependant se révéler plus coûteux pour les éleveurs que les vitrines dégradées.
D’après les photographies publiées sur la page Facebook de Boucherie Abolition, le « happening » de ce week-end aurait concerné plusieurs dizaines de commerces dans toute la France. Ces chiffres restent vagues car les représentants de l’association n’ont pas souhaité s’exprimer dans La France Agricole.