Dans l’affaire des endiviers, la Cour de justice de l’Union européenne devrait finalement rendre sa décision en décembre 2017, a-t-on appris lors du Congrès européen de droit rural organisé par l’Association française de droit rural (AFDR), à Lille, du 21 au 23 septembre.
Et si pour l’heure, les conclusions de l’avocat général ne permettent pas de prédire l’issue du litige, il est certain que la décision dépassera le seul cadre de l’affaire. « Le sort qui sera fait aux endiviers conditionnera la mise en œuvre de la contractualisation en France, et de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales en matière agricole », assure Catherine Del Cont, enseignante et chercheuse à la faculté de droit et des sciences politiques de l’Université de Nantes.
D’une concentration molle de l’offre…
Selon la spécialiste de la concurrence, le droit français, comme le droit européen, se tient à l’heure actuelle à la croisée des chemins « hésitant entre l’affirmation de la spécificité agricole et sa neutralisation par peur des foudres du droit de la concurrence ».
Or, pour renforcer la place des producteurs, il est nécessaire de passer d’une concentration « molle et invertébrée de l’offre », plaide-t-elle, à une concentration de l’offre s’appuyant sur les missions des organisations de producteurs (OP). « Seulement, l’absence de sécurité juridique quant à la définition de ces missions, au regard du droit des ententes, fait aujourd’hui obstacle à l’émergence d’une concentration de l’offre susceptible de contrebalancer le pouvoir des industriels et de la grande distribution ».
Catherine Del Cont estime indispensable d’abandonner « le tabou des prix communs, non qu’il faille favoriser l’entente sur les prix, mais s’interroger sur ce qui fait le prix et les possibilités qui sont données aux OP : quand on dit régulariser des prix et les quantités, c’est aussi faire des OP, de véritables acteurs de la régulation des marchés ».
… à des revenus décents pour les agriculteurs
À l’heure où se discute la nouvelle Pac 2020, l’actuelle application et interprétation des règles de concurrence au niveau national et européen « ne permettent pas d’atteindre l’objectif de revenus décents pour les agriculteurs », poursuit l’enseignante.
« Apporter de l’ordre public, tenter de rééquilibrer des relations commerciales qui ne sont structurellement plus équilibrées du fait d’une trop forte concentration, parce qu’il a des abus de domination, ce n’est pas limité la concurrence, c’est lui redonner sa place. La transparence, l’homogénéité des marchés, c’est une façon de retourner vers des marchés concurrentiels et non pas de faire obstacle à la concurrence ».
Les faits reprochés à une vingtaine d’organisations de producteurs (OP) d’endives et leurs associations remontent à 1995-2010. En 2012, ils s’étaient vus infliger une amende de 3,6 millions d’euros par l’Autorité de la concurrence. En 2014, la cour d’appel avait annulé cette décision, estimant qu’il n’était pas établi que les OP avaient dépassé leurs missions légales de régularisation des prix à la production. Saisie à son tour, la Cour de cassation a sollicité l’avis de la Cour européenne. Dans ses conclusions publiées le 6 mars 2017, l’avocat général a mis en cause l’interprofession des endives.