Fermiers et propriétaires font le même constat, le travail à façon se développe au détriment du bail rural. D’après la section nationale des propriétaires (SNPR), il représenterait 12 à 15 % des terres agricoles, a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse le 3 mars. « La MSA indique que seize chefs d’exploitation ont plus de 100 ans ! », s’étonne Josiane Béliard, la présidente de la SNPR. Face à cette situation et à une déprise agricole inquiétante (30 000 ha par an), fermiers et propriétaires affirment qu’il faut redonner l’envie aux propriétaires de louer car les fermiers sont de moins en moins en capacité d’acheter du foncier.
Les propriétaires détailleront leurs propositions les 8 et 9 mars prochains à Besançon lors de leur dernier congrès avant le renouvellement des équipes dirigeantes de la FNSEA en avril. L’occasion pour la SNPR de s’interroger sur « quelle propriété foncière pour l’agriculture de demain ». « Nous avons identifié trois leviers d’action, explique Josiane Béliard. D’abord, la politique foncière, qui se libéralise un peu partout en Europe, comme nous avons pu le constater en allant en Italie, en Espagne ou au Royaume-Uni ; la vente, avec une fiscalité forte mais des prix encadrés qui participent de la compétitivité de l’agriculture française ; l’héritage, ses règles juridiques nationales et sa forte taxation (ISF, droits de succession). »
Faciliter les transmissions
Pour encourager le portage du foncier au profit des agriculteurs, la SNPR estime qu’il faut agir sur tous ces leviers. Elle veut d’abord faciliter la transmission de la propriété familiale, avec une fiscalité moins lourde (abattements plus hauts et délais plus courts) et des plus-values à la revente moins pénalisantes. « Il faut trouver un moyen pour que le patrimoine français reste français car nos prix bas du foncier attirent les investisseurs étrangers. Or, ils font grimper les prix et souvent ne louent pas à des agriculteurs locaux. »
4 millions de propriétaires qui détiennent en moyenne 5 ha en France
Elle veut aussi un statut du fermage plus souple et plus large, avec la création, dès lors qu’un propriétaire a un projet d’installation pour un petit-fils par exemple, d’un bail de 10 ans, non renouvelable. « Pour l’agriculteur, c’est mieux que pas de bail du tout et des terres données à un entrepreneur de travaux agricoles », souligne Bernard Maloiseaux, secrétaire général de la SNPR.
Et pourquoi pas développer des formes collectives de propriété à côté de la propriété individuelle, comme les GFA mutuels. Une autre piste pour séduire le propriétaire pourrait être de tenir compte de la rentabilité des sols ou des filières dans le prix du loyer de base du bail rural. « Si une production est rentable, comme en zone à AOP Comté par exemple, il faut partager un peu… Sinon le propriétaire fera à façon ».
Accompagner les fermiers
« La terre a un rendement faible (1 %) poursuit-il, sa fiscalité ne peut pas être la même que sur l’immobilier locatif (6 %). » Les propriétaires de la FNSEA ont à cœur d’être de « véritables partenaires » de l’agriculteur. « Nous voulons des fermiers qui réussissent et des filières bien organisées », insiste Josiane Béliard. La SNPR demande, avec la FNSEA dans son rapport annuel qui sera présenté en avril, une harmonisation des normes sociales et fiscales européennes, « fussent-elles à géographie variable », autrement dit, même limitée à une poignée de pays, afin de réduire les distorsions de concurrence ; et la mobilisation de fonds pour moderniser l’agriculture, favoriser la recherche et l’innovation.
Participer à l’aménagement du territoire
La réforme du droit des obligations (ou droit des contrats) de 2016 oblige les propriétaires à un devoir d’information, « mais lui n’est informé de rien, regrette la présidente de la SNPR. Un PLU (plan local d’urbanisme) peut être publié sans que vous ne soyez au courant de rien si vous n’habitez pas la même commune ». La section veut être considérée, présente dans les discussions sur les Scot (schémas de cohérence territoriale) et l’aménagement du territoire, comme lorsqu’il s’agit de discuter compensation agricole lors de la construction de grands ouvrages (ligne TGV, etc.).
Pour être mieux identifiée, la SNPR souhaite ainsi renforcer son organisation et sa représentation locale. « Les propriétaires se désintéressent souvent uniquement par manque d’information », souligne Josiane Béliard, qui compte organiser des réunions publiques sur le terrain et créer un site d’information pour accueillir au sein de la section d’autres propriétaires que les seuls anciens exploitants.