« Globalement, l’achat de terre en France par des investisseurs étrangers représente 1 % des transactions en valeur comme en surface », a commenté l’économiste Thierry Pouch, des chambres d’agriculture, lors d’un débat organisé le 26 janvier, à Paris, par le think-tank Saf agr’iDées et l’Association française de droit rural (AFDR) Ile-de-France sur la place des investisseurs en agriculture.
Une opportunité face à la crise
Par ailleurs, l’agriculture va devoir répondre à un certain nombre de défis qui vont nécessiter de l’innovation, des investissements et donc des capitaux. Or, « dans la mesure où les capitaux sont difficiles à trouver dans notre société parce qu’il y a un certain nombre de pressions pour que les prêts soient rentables et pour que les banques puissent recouvrer leurs échéances, quelle autre solution que de faire appel à des capitaux extérieurs ? »
En situation de crise, ces investissements étrangers arrivent aussi souvent à point : « L’achat de terres par des Chinois dans l’Indre concernait notamment des exploitants agricoles en difficultés économiques, avec une grosse pression sur leurs trésoreries. »
En clair, avoir un acheteur qui récupère l’outil de production peut aussi permettre de le préserver. « C’est aussi le cas en Nouvelle-Zélande avec la crise laitière : on sait qu’un certain nombre d’exploitations laitières en difficultés sont passées entre les mains d’investisseurs chinois. »
L’économiste y voit une autre opportunité, plus indirecte : ces investissements sont susceptibles de constituer une sorte de signal d’alarme en France et plus largement dans l’Union européenne pour faire avancer et renforcer la législation notamment autour du droit de propriété.
Le risque spéculatif
Car, c’est bien là le risque : s’agit-il d’investissements productifs ou spéculatifs ? La législation nationale inadaptée ne permet pas aujourd’hui un contrôle de ces opérations, et rend possible « un certain nombre de montages financiers qui contournent la loi. On le voit sur le terrain », déplore Thierry Pouch.
Quels usages peuvent faire ces investisseurs de ces hectares achetés ? Vont-ils faire appel aux fournisseurs locaux ou au contraire faire parvenir ces intrants de l’extérieur et en particulier de leur pays d’origine. Même chose pour les salariés. Ces questions restent ouvertes, selon l’économiste qui regrette l’absence de véritables garde-fous. Il s’inquiète aussi de l’entrave possible aux installations nouvelles et d’un processus de concentration des exploitations, « avec des investisseurs qui en voudraient toujours plus ».
Par ailleurs, si les terres ne sont pas délocalisables, rappelle-t-il, les capitaux eux le sont. Comme tout processus de multinationalisation des firmes, le risque demeure que les décisions soient prises loin des préoccupations locales.
Quoi qu’il en soit, une agriculture française au premier plan
Alors, faut-il se réjouir ou craindre que l’agriculture française attire, par son savoir-faire, ses performances, sa qualité, les capitaux étrangers ? « Cette thématique de l’investissement étranger agricole, c’est encore de la mondialisation, explique Thierry Pouch. Il ne faut pas s’étonner qu’avec l’ouverture des marchés et le décloisonnement des capitaux, on ait aujourd’hui des investisseurs. »
La mondialisation replace aussi, et contre toute attente, l’agriculture comme le foncier au cœur d’enjeux économiques et sociaux « alors que précisément avec la mondialisation, les nouvelles technologies, on avait cru que l’on pourrait les reléguer au second plan ».