Le gouvernement espagnol, confronté depuis plusieurs semaines à des manifestations d’agriculteurs, a annoncé le mercredi 26 février 2020 des mesures pour tenter d’assurer des prix plus justes aux producteurs, interdisant notamment la vente à perte.

 

Les industriels et les supermarchés dans le viseur

Depuis la fin de janvier, les agriculteurs manifestent par milliers plusieurs fois par semaine dans de nombreuses régions de l’Espagne, bloquant des routes et parfois même des centres des villes avec des centaines de tracteurs.

 

« Ce décret-loi est une réponse aux demandes effectuées par les agriculteurs et éleveurs », afin de « renforcer leur capacité de négociation » sur les prix payés pour leurs produits, face aux industriels de l’agroalimentaire et aux chaînes de supermarchés, a déclaré le ministre de l’Agriculture Luis Planas lors d’une conférence de presse.

 

Le « prix de vente (des produits agricoles) ne pourra jamais être inférieur aux coûts de production qu’auront déterminés librement le vendeur et l’acheteur », a expliqué le ministre.. «Ce prix devra désormais être mentionné explicitement dans les contrats signés », précise-t-il.

 

La vente au consommateur pourra encore être faite à perte, par exemple pour des promotions visant à écouler des stocks. Cependant, si ces opérations de promotion se révèlent infructueuses, le vendeur ne pourra répercuter le risque sur ces fournisseurs. Il ne pourra baisser le prix auquel il achète les denrées alimentaires.

 

Réactivation de l’Observatoire des prix alimentaires

Parmi les autres mesures annoncées figurent l’étalement du paiement des impôts pour les jeunes agriculteurs ainsi que la réduction du nombre de journaliers nécessaires pour toucher des aides dans les régions de l’Andalousie (sud) et de l’Estrémadure (sud-ouest).

 

L’observatoire des prix alimentaires, en sommeil depuis 2014, sera réactivé pour réaliser des études « sur la formation des prix des produits et impulser une répartition plus juste de la valeur », avait aussi annoncé lundi 24 février 2020 le ministère de l’Agriculture dans un communiqué.

 

Les agriculteurs se plaignent de la faiblesse des prix payés par les industriels et les supermarchés pour leurs productions et de la concurrence de pays à bas salaire hors de l’Union européenne accusés d’utiliser des pesticides interdits en Europe.

 

Huile d’olive : les producteurs espagnols inquiets

Ils craignent aussi la baisse des aides de la politique agricole commune(Pac) annoncée par Bruxelles pour le prochain budget de l’Union européenne en cours de négociation.

 

Selon les syndicats, les secteurs les plus touchés par le problème de prix sont les fruits et légumes et les producteurs d’olives, l’Espagne est le premier producteur mondial d’huile d’olive. Cette production souffre en outre des droits de douane punitifs imposés depuis octobre par les États-Unis sur des produits européens.

 

Les mesures annoncées par le gouvernement espagnol ne satisfont pas l’ensemble du monde agricole, elles sont jugées insuffisantes par certains. Un syndicat agricole a indiqué le 27 février 2020 que de nouvelles manifestations d’agriculteurs sont prévues le 20 mars 2020.

 

Au sein de la même maison, il est parfois difficile de s’entendre. La section des fermiers et métayers et celle des bailleurs de la FNSEA ne diront pas le contraire. « Les discussions ont été assez compliquées mais on est y arrivé. Avec notre slogan « plus de sécurité pour les fermiers et plus de liberté pour les bailleurs », nous avons trouvé une position commune avec les bailleurs. Elles ont été validées la semaine dernière par le conseil d’administration de la FNSEA », se félicite Bertrand Lapalus, président de la section nationale des fermiers et métayers lors d’une conférence organisée le 27 février au Salon international de l’agriculture à Paris. Il les présentera les 4 et 5 mars lors du 72e congrès annuel de la section au Cap d’Agde.

« Rendre l’état des lieux obligatoire »

Les fermiers de la FNSEA proposeront de rendre l’état des lieux obligatoire lors de l’entrée dans les terres. Ils souhaitent que ce document devienne une condition de l’indemnisation due au fermier en cas d’amélioration au fonds du propriétaire.

 

En revanche, ils s’opposent à la généralisation du bail écrit. Une position qui tranche totalement avec celle de Jeunes Agriculteurs qui souhaite la fin de l’oralité des baux. « Les baux verbaux sont très présents dans certaines régions. Il faut les maintenir », estime Bertrand Lapalus.

 

Ce dernier veut également offrir la possibilité au fermier et au bailleur de s’entendre par avance sur les modalités d’indemnisation de l’amélioration réalisée par le premier amiablement via une convention.

 

Autre proposition de la section des fermiers : en cas de conservation d’une parcelle de subsistance par le preneur, celui-ci devra obligatoirement la prendre sur ses terres en propriété.

Une audition devant les députés à la fin de mars

La section sociale de la FNSEA aura l’occasion de présenter ses idées devant les députés de la mission parlementaire lancée le 11 février 2020. Son audition est prévue pour la fin du mois de mars. En tout cas, si les discussions au Parlement autour d’une loi foncièretant attendue arrivent enfin, Bertrand Lapalus l’affirme : « Nous, on arrive au sein de notre maison, bailleurs et preneurs, déjà prêts. »