Il aurait fallu un miracle pour que la Pac post-2020 puisse entrer en vigueur dès 2021. Le miracle n’ayant pas eu lieu, aucun accord politique n’a été trouvé au Conseil ni au Parlement européen sur les textes proposés par la Commission en juin 2018. Les négociations vont être gelées plusieurs mois entre l’élection du nouveau Parlement européen (au printemps 2019) et la mise en place de la nouvelle Commission (à l’automne). Les négociations devraient reprendre et s’accélérer en 2020, mais de nombreuses voix plaident pour que l’entrée en vigueur de la nouvelle Pac soit reportée à 2023. Histoire de préparer une transition en douceur vers le « nouveau modèle de gouvernance » proposé.

Un budget en baisse

En attendant, les ministres européens de l’Agriculture, réunis le lundi 17 décembre, ont fait le point sur les sujets d’accord ou de débat entre les États membres. De leur côté, les eurodéputés ont déposé près de 7 000 amendements sur les textes.

L’exercice a ceci de compliqué que les objectifs politiques sont débattus alors que le budget n’est pas encore approuvé. Il reste d’ailleurs un sujet majeur de débat. Dès la publication de la proposition de Bruxelles, en mai, la France et plusieurs autres États membres ont fait savoir leur opposition à la baisse prévue des crédits Pac, officiellement justifiée par le Brexit (alors que le Royaume-Uni était bénéficiaire net de la Pac) et les nouvelles priorités à financer par l’Union européenne (politique migratoire, sécurité, etc.). La France, selon ces propositions, subirait une baisse de 3,9 % de son enveloppe d’aides directes (comme la moyenne des 27 États membres), et une baisse de 15 % des crédits du second pilier (développement rural, ICHN, bio, etc.). Une baisse exprimée en euros courants : en euros constants, c’est bien pire !

Mais si le cadre financier ne devrait être arrêté que fin 2019, les orientations politiques sont déjà sur la table. La principale nouveauté introduite par la Commission réside dans le nouveau modèle de gouvernance, qui laisse aux États membres une marge de manœuvre accrue. Dès lors, où placer le curseur ? Certains États veulent avoir la bride sur le cou, notamment en matière de politique environnementale. Pour ceux, comme la France, qui prônent des objectifs environnementaux ambitieux, l’enjeu est au contraire d’imposer un socle commun assez élevé pour éviter les distorsions de concurrence.

De nombreux autres points restent en débat. Les négociations auront lieu à la fois entre les États membres - pour définir le cadre commun - et au niveau national. La définition de l’agriculteur actif, celle des surfaces admissibles, le plafonnement et la redistribution des aides, les nouvelles conditions d’attribution des aides couplées… sont quelques-uns des sujets qui seront discutés dès 2019 entre le ministère et les organisations professionnelles. Parallèlement, Paris devra également discuter avec les Régions pour clarifier la gestion du second pilier qu’elles assurent depuis 2015… Avec quelques couacs, dont l’État et les Régions se renvoient la responsabilité.

Mais un enjeu majeur de la future Pac consistera à la simplifier. Et autant s’y préparer : simplifier veut dire renoncer à faire du sur-mesure et sélectionner le type de mesures, de pratiques, de surfaces, qui méritent, ou non, de mobiliser l’artillerie lourde des aides Pac.

Bérengère Lafeuille