Quels menus allez-vous proposer aux écoles et aux entreprises qui rouvrent ?

Il va falloir que nos clients acceptent d’avoir des menus plus simples et que nous utilisions ce qui a été stocké chez nos producteurs. Au moment de l’annonce du confinement, des filières ont dû surgeler leur produit. Je pense à la volaille, à des filières en label, aux filières bio, etc. qui ont vu brutalement la restauration commerciale et la restauration collective s’arrêter. Ces producteurs ont été contraints de surgeler leurs marchandises, pour ne pas la jeter. Même si dans nos contrats, nous sommes sur de la volaille fraîche, de la viande fraîche ou encore du bio en frais, nous demandons à nos clients d’accepter ce principe de bon sens et de solidarité, des valeurs portées aux nues pendant le confinement. De grâce, gardons-les un peu, le temps du déconfinement.

Pour la suite, prévoyez-vous de faire appel davantage à la production locale ?

Nous souhaitons aller plus loin en effet. Nous allons privilégier la production nationale en accentuant au maximum ce que nous faisons en production locale. On ne peut pas continuer non plus à se morfondre sur le sort de ces filières locales, nationales, et ne rien faire. Je ne veux pas m’avancer, mais des réflexions seraient en cours au niveau de Bercy et du Parlement pour regarder comment, dans le cadre de la commande publique, soutenir davantage les approvisionnements nationaux. Ce qui nous va bien.

Sur la volaille, nous sommes déjà à 80 % de local. Sur le porc, à 90 %. Sur le beurre et le fromage, à 95 %. Idem sur le maraîchage. Nous devons accélérer le pas, d’autant plus dans cette phase où nous devons rester tous solidaires. Les deux mots-clés, encore une fois, c’est solidarité et bon sens. L’étau est tellement serré que si l’on se prive du bon sens, alors on creuse nos tombes.

Peut-on dire que la restauration collective est en mesure de fonctionner normalement dès cette semaine ?

Nous sommes prêts, nous savons faire le déconfinement. Tout d’abord parce que nous avons continué à avoir des activités dans le médico-social, certaines entreprises et administrations n’ont par ailleurs pas fermé. Donc nous avons continué à faire notre métier, en suivant les protocoles sanitaires, les règles de distanciation sociale, les repas apportés dans plusieurs endroits pour limiter la concentration, nous avons aussi développé la vente à emporter, les plateaux froids…

Tout cela nous savons faire, y compris dans les écoles. La difficulté est que nous n’avons aucune idée du nombre de repas à distribuer. Et plus ça va, et plus on est dans le doute. Nous nous attendons à avoir 15 % des effectifs dans les écoles en mai, peut-être 30 % en juin. Et dans le monde de l’entreprise, nous nous attendons à avoir 25 à 30 % des effectifs. Nous sommes sur des volumes faibles. Nous solliciterons donc de nos producteurs de manière extrêmement faible pour le moment.

Quand les agriculteurs vont-ils devoir se tenir prêts ?

Ce que nous disons au pouvoir public est de nous laisser 15 jours pour pouvoir remettre la machine en marche. Pas tellement pour nous en tant que restaurateur parce que, encore une fois, nos équipes sont prêtes. En revanche, ce qui va être long, c’est la production et la distribution.

Prenons l’exemple du poisson frais, c’est une part minuscule dans la restauration collective par rapport à ce qu’utilise la restauration commerciale. Et comme la restauration commerciale n’a aucune idée de quand elle va démarrer; mais assurément, cela ne va pas être dans les quinze premiers jours de mai, nous n’allons pas pouvoir avoir de poissons frais en restauration collective. Parce que ce n’est pas rentable. Et donc il faut que l’on fasse cette pédagogie auprès de nos clients.

Nous connaissons les contraintes des filières en amont. Et alors que nous prévoyons de nous exprimer très prochainement, nous ferons en sorte de nous faire porte-parole, non pas de notre seule voix, mais aussi des dizaines de milliers de producteurs qui travaillent avec nous.

Propos recueillis par Rosanne Aries

(1) Le SNRC regroupe des entreprises de la restauration collective, qui représentent au total 4 millions de repas servis chaque jour. Le segment des écoles pèse pour 35 % (la première activité du SNRC en nombre) puis vient celui des entreprises avec 15 % de l’activité.