Les ministres de l’Agriculture des États membres étaient réunis en conseil exceptionnel le 3 mars 2022, à la demande la présidence française de l’Union européenne (UE) pour échanger sur les risques de fortes tensions alimentaires et agroalimentaires à la suite de l’invasion de l’Ukraine et envisager les mesures à prendre.
Afin de « libérer le potentiel de la production agricole », « plusieurs États membres ont proposé de pouvoir utiliser des jachères pour la culture de protéines » pour la campagne de 2022, a indiqué le ministre de l’Agriculture français, Julien Denormandie. Ce dernier a ajouté que le commissaire européen à l’agriculture, Janusz Wojciechowski, y est favorable « mais que cette option doit être étudiée et validée par la Commission européenne ».
Un autre point a été mis sur la table : l’activation de mesures de marché, comme le stockage privé et la réserve de crise, notamment pour la filière porcine.
Farm to Fork sur la sellette
Julien Denormandie a également fait savoir que la Commission allait évaluer les stratégies de l’UE, et notamment celle de Farm to Fork, au regard de l’objectif prioritaire de consolidation de la souveraineté alimentaire. « La majorité des États membres ont évoqué la souveraineté alimentaire de l’UE qui doit être consolidée » a-t-il déclaré, regrettant que cette vision ait « parfois pu être oubliée par certains ».
Le commissaire Wojciechowski a répondu qu’il avait entendu la demande des États concernant les différentes stratégies de l’UE et qu’il était prêt à réévaluer les stratégies (Farm to Fork et Biodiversité) et à « rectifier le tir » si c’est nécessaire, tout en faisant savoir qu’il ne sera pas possible « de revenir de but en blanc sur la stratégie Farm to Fork ».
Les organisations professionnelles d’accord
Cette position ne pourra que satisfaire la FNSEA qui demandait, le même jour dans un communiqué de presse, que l’Union européenne remettre « la souveraineté alimentaire en priorité absolue ». Le conflit « a déjà des conséquences sur les marchés alimentaires mondiaux », relève le syndicat, qui dénonce « la logique de décroissance souhaitée par la stratégie européenne Farm to Fork ».
Les associations spécialisées de la FNSEA (AGPB, AGPM, CGB, Fop, UNPT) insistaient mardi 1er mars : « L’Europe nous oblige à mettre en jachère 4 % des terres : cette orientation doit être stoppée immédiatement. Il faut redonner de la flexibilité aux exploitations agricoles, pour répondre à tous les enjeux de production. »
« Il est temps de réarmer la France et l’Europe agricole et agroalimentaire », tempêtait Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales, en conférence au Salon de l’agriculture le 28 février 2022. « Il faut que l’agriculture et le secteur alimentaire reviennent au premier plan, ajoutait-il. La feuille de route Farm to Fork doit être revue, voire abandonnée en l’état. »
Thierry Blandinières, directeur général d’InVivo, invitait également à « ouvrir les vannes de la production ». En plus de cultiver les jachères, il demandait que le coût des engrais soit maîtrisé. « Il nous faut des garanties de l’Europe pour nous permettre de stabiliser les engrais pendant un an ou deux », expliquait-il.