Sauver le modèle agricole français ? Mais pour quoi faire ? « Il ne faut pas sauver un modèle qui n’a pas produit les effets souhaités », assume au contraire Olivier Dauvers, directeur du think tank agroalimentaire des Échos, qui présentait jeudi ses 18 recommandations « pour une nouvelle politique agricole et alimentaire ».

Entrée dans l’économie de marché

Lancés en introduction, ces mots posent le cadre : aucune concession ne sera faite au « modèle agricole » français, ni à la Pac actuelle. Pour ce très libéral think tank, la France doit tout d’abord gagner de la compétitivité en remettant à l’ordre du jour le « choc de simplification » et en acceptant la « diversité des modèles agricoles, y compris les exploitations agro-industrielles ». Mais il faut aussi en finir avec la logique actuelle des soutiens directs au revenu, qui sont « sans perspectives à long terme », prédit Jean-Marie Séronie. Cet agroéconomiste, membre du think tank, regrette que la France n’arrive pas « à reconnaître que l’agriculture est entrée dans l’économie de marché ».

Les aides couplées comme anesthésiants ?

Pour le think tank, les aides ne doivent plus être un soutien au revenu mais un accompagnement à la transition. Par exemple pour la filière viande bovine. « On importe pour 1,5 milliard d’euros de viande bovine et on exporte pour 1,8 milliard d’euros d’animaux vivants : on ne produit pas ce que l’on consomme », a-t-il illustré. Avant de proposer : « construisons un plan d’adaptation de nos filières au lieu de les anesthésier avec des aides à la vache allaitante ».

 

Cette transition, qui sera forcément « agroécologique », est « tout sauf revenir à l’agriculture de nos grands-parents », a-t-il précisé. « C’est extraordinairement technique. C’est une agriculture moins consommatrice en intrants mais plus consommatrice en connaissances ».

 

Parallèlement, le think tank milite pour le développement de nouveaux instruments assurantiels portés par l’Union européenne couvrant les risques climatiques, sanitaires, environnementaux et économiques (garantie sur la marge).

Harmonisation européenne

Parce que la Pac ne fait pas tout, et que la compétitivité reste un leitmotiv du think tank, celui-ci veut aussi rapprocher le plus possible les conditions de production entre les États membres. Il recommande ainsi d’acter le principe de non-surtransposition, mais aussi de créer un observatoire des distorsions, non sans faire remarquer que la France peut aussi offrir des conditions de production plus favorables que ses voisins dans certains domaines.

 

Ensuite, mieux vaut se concentrer sur quelques points d’inéquité majeurs sur lesquels négocier avec nos partenaires européens, ce qui serait « plus efficace que de demander tout, partout ».

 

Le think tank souhaite aussi un référentiel commun de bonnes pratiques au niveau européen, avec une harmonisation des règles de contrôle, dont les bilans devront être rendus publics par les autorités compétentes des États membres.

De la transparence, pas du marketing !

Troisième objectif développé par le think tank : améliorer la « compétitivité hors coût », celle liée à la valeur et donc à la différenciation des produits. Notamment sur l’origine France. Le think tank réclame pour cela une réelle transparence sur l’origine des produits, qui permettrait de réorienter la demande des consommateurs vers l’origine France, et donc, à terme, de soutenir les cours.

 

Aujourd’hui, « il n’y a pas de transparence, c’est de l’hypocrisie : on ne revendique l’origine que lorsqu’elle est française, », martèle Olivier Dauvers, qui n’hésite pas à prendre à partie les représentants de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution présents dans la salle.

 

« Arrêtez de faire semblant de soutenir les paysans français : la revendication de l’origine quand ça vous arrange, ce n’est pas de la transparence, c’est du marketing ! » Dans les rayons, « il faut qu’il soit écrit « lapin chinois » comme il est écrit « mouton français » : ça va faire bouger les achats ! », promet-il.

Symétrie des promesses sur l’origine

Le think tank invite ainsi les enseignes et les marques à s’engager collectivement à une « symétrie des promesses d’origine ». En clair, ceux qui revendiquent haut et fort l’origine France de certaines matières premières doivent communiquer de manière aussi visible sur l’origine — non française — des autres produits de leurs gammes…

 

Les opérateurs aval sont-ils prêts à s’y engager ? Dans la salle, une représentante de Coop de France, interpellée à ce sujet, a tenté d’expliquer qu’un travail européen en cours allait améliorer l’affichage des produits transformés… « OK, je vais venir vous voir », a coupé Olivier Dauvers, visiblement pas prêt à s’en laisser conter.