Boris Cyrulnik, Matthieu Ricard, Elisabeth de Fontenay figurent parmi les 23 pétitionnaires (1) qui demandent une autre prise en compte de la « maltraitance animale » au niveau de l’État et pour ce faire, la création d’un secrétariat à la condition animale.

Selon eux, les animaux, jugés longtemps sans raison, ont montré qu’ils possèdent des compétences sophistiquées. Les signataires de cette pétition ne veulent plus se contenter de l’article de loi de 2015 qui déclare les animaux « êtres sensibles ». Ils regrettent que les bêtes soient toujours soumises à « une évaluation marchande et considérées comme des biens ».

Les pétitionnaires s’interrogent sur la légitimité des hommes à exploiter les animaux et à les faire souffrir. Ils réclament, en cette période préprésidentielle, de « réelles modifications dans nos rapports avec les animaux » et « la création d’un secrétariat d’État à la condition animale conduit par des experts multidisciplinaires et légitimes, spécialistes de la question animale ».

Ils en espèrent des « budgets dignes de ce nom pour développer des méthodes alternatives à l’expérimentation animale, l’encouragement de nouvelles économies alternatives à l’exploitation animale, une autre place de l’animal dans l’éducation, l’enseignement du droit animalier dans les universités, la formation des policiers et magistrats au bien-être animal, le renforcement des contrôles pour lutter contre la maltraitance et les actes de cruauté. Et la nomination des médiateurs pour les animaux afin de veiller à l’application des lois et du droit ».

Un livre

Cette pétition a rencontré déjà un grand écho médiatique. Et sera appuyée le 20 octobre par la parution d’un livre intitulé « Révolutions animales ». « Les preuves scientifiques s’accumulent quant au “génie animal”, tout ce qui constituait jadis et à tort le propre de l’homme : les bêtes sont douées de sensibilité et d’intelligence, capables d’entraide et de compassion, de souvenirs et d’anticipation. Comme nous, elles éprouvent plaisir et souffrance et ressentent le deuil » selon Karine Lou Matignon, coordinatrice de l’ouvrage et elle-même pétitionnaire. Elle appelle à « reconnaître une personnalité non humaine aux animaux ainsi qu’un statut politique : une citoyenneté pour les domestiques et une souveraineté pour les sauvages. »

Lorsque l’article de loi sur la sensibilité des animaux (publié en janvier 2015) a été présenté au vote à l’Assemblée nationale, certains députés redoutaient un premier pas vers un statut complet de l’animal. Jean Glavany, député, ne déclarait-il pas pour calmer les tenants de la cause animale que cet article c’était « mettre le pied dans la porte de sorte qu’elle reste ouverte ». Effectivement la porte est restée ouverte. Et la voix des éleveurs dont le métier est ici mis en cause, quel que soit le type d’élevage, est peu audible et tout cas peu entendue.

Marie-Gabrielle Miossec

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(1) La pétition a été publiée dans le quotidien Le Monde daté du 19 octobre. Les pétitionnaires sont :

• Françoise Armangaud (philosophe)

• Eric Baratay (professeur d’histoire contemporaine)

• Denis-Richard Blackbourn (docteur en ethnozoologie)

• Gilles Bœuf (professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie, conseiller scientifique auprès du président du Muséum national d’histoire naturelle)

• Georges Chapouthier (directeur de recherche émérite au CNRS)

• Valérie Chansigaud (historienne des sciences et de l’environnement)

• Yves Christen (éthologue, docteur en science)

• Philippe Cury (directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement)

• Boris Cyrulnik (neurologue, psychiatre et éthologue)

• Fabienne Delfour (éthologue, spécialiste des cétacés)

• Vinciane Despret (éthologue et philosophe)

• Ludovic Dickel (professeur des universités en biologie des comportements)

• Elisabeth de Fontenay (philosophe)

• Muriel Falaise (maître de conférences en droit privé)

• Pierre Jouventin (éthologue)

• Christelle Jozet-Alvez (maître de conférences en biologie du comportement)

• Emmanuelle Grundman (biologiste, journaliste et spécialiste des grands singes)

• Thomas Lepeltier (historien et philosophe des sciences)

• Karine-Lou Matignon (auteure, journaliste)

• Baptise Morizot (maître de conférences en philosophie)

• Eric Navet (ethnologue)

• Jean-Marc Neumann (juriste et enseignant en droit de l’animal)

• Matthieu Ricard (moine bouddhiste)