Cette année encore, les nouveautés ne vont pas révolutionner le marché des herbicides sur céréales. « Il n'y a pas de nouvelles substances actives disponibles pour la future campagne et, à court terme, rien n'est attendu », complète Ludovic Bonin, responsable du pôle flores adventices chez Arvalis.

HERBICIDES : DU DÉJÀ VU

Pourtant, faute de réelles innovations, les firmes travaillent de nouvelles formulations. Dow Agro- Sciences propose pour la campagne 2014-2015 ses herbicides à base de florusalam (Primus, Nikos et Starter) en granulés dispersibles (WG) et non plus sous forme liquide. « Les céréaliers pourront les utiliser sans interruption du 1er octobre au 31 mai, du stade 3 feuilles à dernière feuille étalée. Cela représente un élargissement important de la fenêtre d'application du produit par rapport à la formulation liquide homologuée à l'automne, puis au printemps », informe Nicolas Chariot, responsable marketing herbicides céréales chez Dow AgroSciences.

D'ici un an pour l'orge et deux ans pour le blé tendre, la société Gowan devrait remplacer Avadex 480 (triallate) par un herbicide de prélevée-postlevée précoce un peu moins dosé en triallate et sous forme micro-encapsulée (en remplacement d'une émulsion concentrée). La firme conseille d'utiliser ce produit racinaire associé à d'autres matières actives, notamment si des résistances sont apparues. Cette substance active appartient au groupe N, au même titre que le prosulfocarbe. « Il demeure toujours intéressant d'avoir une matière active supplémentaire à disposition des agriculteurs », estime Ludovic Bonin.

Une bonne partie des spécialités qui ont obtenu des homologations récentes sont composées de matières actives « génériques ». Cheminova vient d'obtenir l'homologation de deux produits : Saracen (50 g/l de florasulam), utilisable sortie hiver et efficace sur gaillet, coquelicot, crucifères, matricaires, stellaire..., et Prado (500 g/l d'isoproturon + 62,5 g/l de diflufenicanil), un herbicide d'automne actif sur graminées et dicotylédones.

LES PACKS AMENÉS À SE DÉVELOPPER

Nufarm propose pour cette campagne une spécialité à base de 600 g/l de mécoprop P seul, Goyav, équivalent de Duplosan KV qui a été retiré il y a plusieurs années. Il s'agit d'une hormone qui permet d'alterner les matières actives dans les programmes herbicides afin notamment de lutter contre l'émergence des plantes résistantes aux inhibiteurs de l'ALS. D'ici au printemps, la société devrait proposer certains de ses produits en pack avec du florusalam. « Vu la complexité croissante du marché, l'évolution des résistances et le retrait des matières actives..., le marché devient de plus en plus technique et les packs sont amenés à se développer », commente Noël Schermesser, directeur marketing Agro France chez Nufarm. Autre attente : l'extension d'usage de Metiss (400 g/l de 2,4 MCPA) jusqu'au stade dernière feuille étalée pour lutter contre les chardons, rumex... afin de diversifier les spécialités sur ce créneau.

Adama, jusqu'alors Makhteshim Agan, propose deux nouveaux produits composés de matières actives déjà sur le marché : Compil (500 g/l de diflufenicanil) et Codix. Ce dernier représente une association originale sur céréales puisqu'il dispose de 400 g/l de pendiméthaline et de 40 g/l de diflufenicanil. Codix doit être positionné de préférence en prélevée, voire en postlevée très précoce des céréales (1 à 2 feuilles). La pendiméthaline présente en effet une action antigerminative. « Codix affiche un large spectre sur dicotylédones et un soutien sur graminées, principalement au sein d'associations », fait savoir Arvalis. Ainsi, sur blé tendre d'hiver, blé dur d'hiver et orge d'hiver, il est recommandé de l'utiliser seul sur des parcelles peu infestées, c'est-à-dire avec moins de 20 plantes/m2, pour une flore à dominance de dicotylédones seules, ou en présence d'agrostis et de pâturins côté graminées. Dans ses essais, l'institut a démontré qu'il est indispensable de l'associer sur des populations de monocotylédones à problème. En présence de vulpin, Codix à 2 l/ha + 1 000 g d'isoproturon est une association intéressante et de même sur ray-grass avec Codix à 2 l/ha + Défi à 2,5 l/ha. Attention, il est préférable d'intervenir en postlevée avec Codix sur sols filtrants et si les semis sont mal enterrés pour éviter des problèmes de phytotoxicité (lire l'encadré ci-dessus).

LES FIRMES S'ASSOCIENT

Dans un contexte de difficultés de gestion des graminées, d'apparition de résistances aux herbicides des groupes Hrac A et B, et de difficulté de passage des produits à l'automne, certaines firmes sont amenées à « unir leurs forces ». C'est le cas de Syngenta Agro et de Dow Agro-Sciences, qui préconisent sortie hiver l'association de spécialités à base de pinoxaden (Axial pratic, Axeo…) et de pyroxsulame (Abak, Quasar...). Il s'agit d'utiliser deux modes d'action qui, selon les firmes, régularisent et pérennisent les solutions de désherbage.

DES RÈGLES TOUJOURS PLUS CONTRAIGNANTES

Le retrait de matières actives est toujours d'actualité. Cette fois, c'est l'ioxynil qui va être retiré (Brennus plus, Mextra...). Aucune firme n'a soutenu cette substance dans le cadre de la réévaluation des produits phytopharmaceutiques au niveau européen. Comme il fallait que ce réexamen soit fait au plus tard avant le 28 février 2015, toutes les spécialités comprenant du ioxynil perdront leur autorisation de mise sur le marché à cette date. Pour autant, les sociétés détentrices de tels produits ont demandé un délai d'écoulement des stocks et, pour les agriculteurs, un délai d'utilisation. Bien que confiants, ils attendent encore la réponse des autorités. « Même si pour lutter contre les dicotylédones, il reste toujours des matières actives, le retrait d'une molécule représente une perte dommageable qui réduit la diversité des solutions », souligne le spécialiste d'Arvalis.

NOUVELLES RESTRICTIONS D'EMPLOI

La réglementation impose également de nouvelles restrictions d'emploi des spécialités, notamment sur sols drainés pour les urées substituées, des molécules qui sont fréquemment retrouvées dans les cours d'eau. « Un pourcentage non négligeable de céréales est concerné alors que parallèlement le ray-grass est de plus en plus difficile à contrôler », signale Ludovic Bonin.

Les produits contenant du chlortoluron seul ne doivent ainsi pas être appliqués sur sols artificiellement drainés et doivent respecter une zone non traitée de 5 m par rapport aux points d'eau pour protéger les organismes aquatiques. A cela s'ajoute l'obligation de respecter une zone non traitée de 5 mètres par rapport à la zone non cultivée adjacente pour protéger les plantes non-cibles. Et il ne faut pas appliquer ces herbicides pendant la période de reproduction des oiseaux (mars à août).

URÉES SUBSTITUÉES ET DFF CONCERNÉES

Quant aux produits à base de chlortoluron associé à une autre matière active comme le bifénox et le diflufenicanil, appelés aussi DFF, ils se voient attribuer pour la plupart des conditions d'emploi contraignantes, proches de celles des spécialités à base de chlortoluron seul. En outre, ils doivent « respecter une zone non traitée comportant un dispositif végétalisé d'une largeur de 20 mètres en bordure des points d'eau en automne et au printemps ». L'isoproturon associé à d'autres substances ainsi que les spécialités à base de DFF sont aussi concernés par des restrictions en terrains drainés.

Une partie des inhibiteurs de l'ALS à action antigraminées ne peuvent être appliqués qu'une fois par campagne et certaines sulfonylurées antidicotylédones comportent aussi de nombreuses restrictions. « Ces nouvelles conditions d'emploi sont apparues ces derniers mois. Elles sont liées à la réhomologation des produits », complète Ludovic Bonin. Il faut donc veiller à bien « étudier » les étiquettes pour rester dans les clous !