Avec ses 14 000 q de capacité de stockage, Max Lempereur a acquis une certaine autonomie. « Le premier avantage du stockage à la ferme est de recréer une concurrence qui a parfois disparu localement. Nous choisissons l'interlocuteur et le moment qui nous semble le plus propice pour vendre, déclare l'agriculteur. Son autre intérêt est logistique, avec la possibilité de moissonner tard le soir lorsque la météo est favorable. »

Installé depuis vingt ans, Max Lempereur cultive 310 ha à Mesmains, sur la commune de Mareuil-sur-Arnon dans le Cher, dont 42,5 ha de prairies temporaires destinées à un troupeau allaitant. A l'exclusion d'une quarantaine d'hectares sableux, les terres argileuses et limoneuses possèdent une bonne réserve utile qui laisse espérer des rendements moyens de l'ordre de 85 q/ha en blé et 35 q/ha en colza et en tournesol.

En 2011, bon potentiel et promesse de prix élevés font la part belle au blé, qui occupe presque 45 % de la sole à lui seul. Il reste peu de place pour l'orge, dont le rendement est souvent moindre, le prix inférieur et la récolte concomitante avec celle des fourrages. Quant au blé dur, il a été introduit exceptionnellement compte tenu du prix bas du blé tendre au moment des semis.

L'exploitation se partage en deux sites distants de 7 km, qui disposent chacun d'une capacité de stockage à plat ou en cellules. Le remplissage de ces dernières s'effectue par l'intermédiaire d'une fosse de réception et les cases à l'aide de vis. Une fois les denrées en place, les lots sont refroidis plusieurs fois grâce à un système de ventilation et les températures abaissées de façon à assurer une longue conservation.

Pour la reprise, l'agriculteur utilise une vis ou un chargeur télescopique. Le temps de chargement d'un camion n'excède pas trente minutes. Connaissant la capacité de chaque cellule, pour le blé, il prend soin de semer une surface qui permet d'alloter des variétés pures, ce qui présente un avantage certaines années pour le débouché vers la meunerie. Dans ce cas, un échantillon représentatif est expédié au laboratoire pour une analyse qualitative.

REFUSER LA VENTE À PERTE

La vente en direct a débuté voilà dix ans, lors d'une campagne où les prix du blé proposés par les organismes stockeurs approchaient 90 E/t, se souvient Max Lempereur. Cette année-là, en téléphonant à plusieurs courtiers, j'ai trouvé des prix plus rémunérateurs, ce qui m'a incité à reprendre la main sur la commercialisation de ma production. Désormais, je n'hésite plus à consacrer du temps au suivi des cours sur internet car les amplitudes atteignent parfois 25 E/t en quelques heures. »

Pour une analyse à moyen terme de chaque marché, l'agriculteur utilise de multiples sources d'information, comme les commentaires en ligne de sociétés de courtage, la presse agricole et l'avis des commerciaux de la coopérative, du négoce et des courtiers. « Toutes les informations sont intéressantes, à condition de conserver un sens critique, poursuit Max Lempereur. Trier les données n'est pas chose facile. Au printemps 2010, la plupart des experts s'accordaient pour inciter à vendre rapidement la récolte à venir. Nous savons ce qu'il est advenu. »

Sans deviner plus que les autres les désastres à venir, sécheresse et incendies en Russie, inondations au Pakistan, en Australie, etc., Max Lempereur s'est fixé une règle : ne pas vendre en dessous de son prix de revient. Compte tenu de la hausse des intrants – surtout des engrais –, il était impensable pour lui d'engager sa récolte à des prix proches de 115 €/t. Cette année, l'attente aura été payante, avec un prix de vente moyen du blé de 210 €/t et du colza de 465 €/t. Le blé dur, dont les prix ont stagné à seulement 10 € au-dessus du blé, a été conservé jusqu'en janvier 2011. « J'estimais le différentiel trop faible pour craindre une baisse des cours. La hausse est arrivée courant janvier, permettant d'engranger une plus-value intéressante. Prendre ce risque n'est possible qu'avec une bonne trésorerie. De ce point de vue, et malgré des cours en berne, l'élevage allaitant représente un appoint intéressant. »

ACCOMPAGNER LES HAUSSES

Que ce soit en blé ou en colza, la stratégie de l'agriculteur consiste à accompagner le marché lors de ses phases de hausse en vendant des lots de 50 t à chaque nouveau palier. Viser le cours le plus haut ferait prendre trop de risques à l'entreprise. Max Lempereur est également très attentif aux termes du contrat qu'il signe avec les courtiers, notamment les caractéristiques des marchandises (PS, humidité, protéines, impuretés, etc.). Il privilégie systématiquement l'acheteur le moins exigeant.

« Malgré ces précautions, il m'est arrivé une fois d'expédier un camion de colza qui avait une odeur rance, admet Max Lempereur. Plutôt que de payer le retour, j'ai accepté une décote de 10 €/t et le reste du lot a été nettoyé avant le départ. » La capacité de stockage étant insuffisante, une partie du blé est livrée à la récolte. Dans ce cas, un contrat à terme est signé par l'intermédiaire de la coopérative sur l'échéance novembre. Cela offre l'avantage de disposer de trésorerie assez tôt tout en évitant la décote d'une vente moisson. Quant au tournesol, lui aussi livré, il est vendu au prix ferme déduction faite des frais de mise en dépôt.

« Compte tenu de prix que je considère rémunérateurs, pour la première fois, j'ai vendu 180 t de blé de la récolte 2011 au prix ferme de 200 €/t échéance novembre. Comme beaucoup de collègues, je me souviens de la campagne 2008 où les prix n'ont pas cessé de s'effriter alors que les intrants augmentaient, argumente Max Lempereur. A plus long terme, j'envisage sérieusement de moderniser et d'augmenter la capacité de stockage, ce qui permettrait de mieux réagir face aux fluctuations des marchés, quitte à différer les ventes d'une campagne sur l'autre si nécessaire. »