Christophe Bichon estime que répondre au cahier des charges de l'AOC Saint-Nectaire porte ses fruits pour le prix du lait.
« Nous sommes situés dans la zone géographique de deux appellations d'origine contrôlée fromagères, le Cantal et le Saint-Nectaire, remarque Christophe Bichon, installé avec ses parents, Lucien et Josette, à Allanche, dans le Cantal. A mes yeux, c'est un atout car les entreprises qui veulent produire des AOC ont besoin de notre lait. »
Lactalis, chez qui la famille Bichon livre depuis trente ans, octroie une prime « incitation saint-nectaire » de 20 €/1.000 l.
« Nous l'avions perçue en 2008, elle n'était plus d'actualité en 2009 mais elle est revenue en 2010 », précisent-ils. Lactalis, qui produit 800 des 6.000 tonnes par an de saint-nectaire laitier, tient à une appellation « phare » de la Région Auvergne. L'industriel attribue donc cette prime afin de fidéliser ses producteurs en zone AOC.
En 2009, un complément de prix pour les producteurs a été instauré. Une cotisation volontaire obligatoire (CVO) est versée par les laiteries (30 €/1.000 l en 2010, 40 €/1.000 l en 2011).
Sur ce montant, 20 % sont réservés à la promotion des fromages AOC d'Auvergne via les interprofessions fromagères et l'Association des fromages d'Auvergne.
Une campagne d'affichage pour le saint-nectaire a ainsi été lancée cet automne dans le métro parisien. Les 80 % restants sont reversés aux producteurs, au prorata du litrage transformé en AOC dans la zone concernée.
En zone saint-nectaire, 76 % des volumes de lait sont destinés à l'AOC. Le Gaec Bichon a un quota de 290.000 l, qu'il produit avec 65 simmentals.
« Au terme de ce calcul, nous avons perçu 6.514 € pour l'année 2009, soit 22,40 €/1.000 l de lait, précise Josette. Le versement de la CVO est rétroactif et trimestriel. Nous percevrons, en octobre, la plus-value correspondant au lait d'avril, de mai et juin 2010. »
La qualité pour credo
« Ce ne sont pas uniquement les primes qui font le prix du lait », soulignent les Bichon, qui s'appliquent à produire du lait en qualité A, présentant une bonne aptitude fromagère (avec 40 g/kg de TB et 34 g/kg de TP).
« Ces résultats sont valorisés, précise Christophe. En août 2010, à un prix de base de 325,50 €/1.000 l en classe A, s'ajoutent une prime « haute qualité fromagère » de 7,6 €/1.000 l et une bonification « butyriques » de 3 €/1.000 l. »
Toutes primes comprises, le prix payé en août s'est élevé à 382,24 €/1.000 l. « Répondre aux exigences d'un cahier des charges porte ses fruits, souligne Christophe. Les récentes modifications dans l'alimentation, confortant le lien au terroir, ne nous ont pas posé de problèmes, car nous privilégions depuis longtemps l'autonomie alimentaire pour des raisons économiques. »
De fait, les Bichon autoconsomment leurs 15 ha de triticale. Seul le correcteur azoté est acheté.
Sélection : discuter« La race est un élément important du cahier des charges de la plupart des AOC laitières, souligne Stéphane Patin, directeur de Races de France (ex-France Upra sélection). Pourtant, il n'y a pas vraiment de lien entre les AOC et les organismes de sélection (OS) des races concernées. Les critères que définissent certaines AOC (comme plafonner la production par vache) ne sont pas toujours compatibles avec le projet racial de l'OS. On risque ainsi d'aboutir à des sous-populations, ce qui serait dommageable pour les races à faible effectif. » Stéphane Patin plaide pour une plus grande discussion entre les AOC et les OS. |
Organisation et volumes, les défis à relever pour les AOC« Les AOC offrent souvent une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les différents maillons de la filière, depuis le producteur jusqu'au distributeur, estime Anne Richard, en charge de ce sujet au Cniel. Les appellations les plus anciennes, comme celles de Franche-Comté (comté, morbier, mont-d'or) et des deux Savoies (beaufort, reblochon), basées sur des interprofessions efficaces, fonctionnent très bien. » Celles d'Auvergne, plus récentes, cherchent encore leur équilibre. Cependant, les AOC font face à deux défis de taille : l'organisation des producteurs et des entreprises autour de l'appellation, et la fin prochaine des quotas. « Les appellations devront trouver une stratégie propre pour gérer collectivement leurs volumes. » Cela en respectant les règles de la concurrence européennes et en dissipant la méfiance de la Commission, qui voit d'un mauvais oeil tout ce qui pourrait se rapprocher d'une entente sur les volumes. « L'enjeu est de prouver que les AOC travaillent sur la qualité et qu'elles n'interdisent pas l'accès du marché à de nouveaux acteurs », décrypte Anne Richard. Mais le combat est rude, malgré l'évidente réussite de ces filières. Peut-être parce que ce fonctionnement gêne certains dogmes libéraux ? |