Cet été, j’ai voulu imiter Sylvain Tesson, l’écrivain assez original pour passer plusieurs mois seul en Sibérie et faire le parcours de la retraite de Russie en side-car. Mais un soir, il est monté sur les toits et s’est « cassé la gueule » au sens propre comme au figuré. Comme il dit, il a vieilli de cinquante ans en huit mètres et la moitié de son visage s’est retrouvée paralysée. Après, il a traversé la France de Vintimille à Cherbourg en passant par les chemins noirs, ces lignes sur les cartes marquées par un trait. Des voies sans bitume qui reprennent plus ou moins les anciens chemins des villages. Mon défi était moins sérieux : Paris-Trouville à pied, rien d’insurmontable, mais 250 km tout de même, en passant par les chemins noirs. Voici mes impressions.
Ne pas se fier aux renseignements humains. Neuf fois sur dix, c’est faux. « C’est à 40 km. Peut-être 30, au moins 20. » En fait, c’était 12. « En haut, à gauche », il faut comprendre qu’il faut aller à droite.
Les cartes de l’Institut géographique national sont irremplaçables. Comme tout est sur internet, personne ne vient plus demander quoi que ce soit dans les offices du tourisme. Et quand on ose, on a l’impression de déranger.
Ne pas trop se fier aux panneaux. L’auberge restaurant indiquée n’existe plus depuis longtemps. Éviter les restaurants chinois des bords de route. Ou alors choisir des chemins avec des arbres à grandes feuilles.
Les abords des villes sont d’une saleté repoussante. La palme revient aux consommateurs de bière. Canettes, paquets de cigarettes, chaussures, tubes de compotes, emballages de burgers… Tout ce qui emballe est « dégueulé » des fenêtres des voitures par des « passagers indélicats », pour le dire gentiment.
Et surtout, en 250 km de bois, de forêts, de routes et de chemins à travers champs, pas une seule fois je n’ai vu un oiseau. Je sais, c’est un vif débat mais je vous dis ce que j’ai vu, ou plutôt, ce que je n’ai pas vu.
Voilà, c’est une vision de la France d’aujourd’hui. Je n’ose pas dire un paysage. Un chemin noir, très noir.