«Je suis de ceux qui pensent que dans cinquante ans la fortune consistera à pouvoir s’offrir la vie du paysan aisé du début du XXe siècle, à bien des égards, c’est-à-dire de l’espace autour de soi, de l’air pur, des œufs frais, des poules élevées avec du grain, etc. » Dans cet extrait d’une interview donnée en avril 1970 à la revue Réalités, le président Georges Pompidou avait en quelque sorte prévu ce qui se passe depuis quelques mois avec le départ d’une partie des Français des grandes villes pour s’installer en zone rurale ou dans des villes moyennes. Le confinement a en effet amené certains à revoir leurs priorités, en laissant derrière eux l’agitation des métropoles. La ruée vers les campagnes que l’on pressentait il y a un an est devenue réalité (lire page 14). Restera à voir dans le temps si ces installations seront pérennes.
En deux ans, l’image du monde rural s’est nettement renforcée, notamment auprès du grand public qui estime à 92 % (+ 20 points) que c’est « un lieu agréable à vivre », selon une étude de l’Ifop que vient de publier Familles rurales. La crise sanitaire est passée par là. Les Français croient désormais dans un monde rural en mouvement et les citadins jugent à 80 % que c’est le lieu de vie idéal. Raisons principales : la qualité de vie, un environnement moins pollué, le calme et le contact avec la nature. Pour autant, tout n’est pas magique. Les difficultés d’accès aux services publics, à l’emploi et aux transports sont considérées comme les principaux freins à l’installation de nouveaux habitants à la campagne.
Il est vrai que toutes les zones rurales ne sont pas logées à la même enseigne. L’Insee vient d’ailleurs de revoir les critères les définissant en prenant en compte la densité de population. Avec cette approche, quatre catégories d’espaces ruraux se dessinent, allant des communes rurales très peu denses à d’autres sous forte influence d’un pôle d’emploi. On trouve ainsi des communes où la population stagne et d’autres qui attirent des personnes plus jeunes, et dont la dynamique dépasse celle des communes urbaines. En dix ans (2007-2017), la croissance de la population a ainsi été plus forte dans le rural que dans les communes urbaines (+ 0,66 % par an contre + 0,38 %).
Avec cette nouvelle classification, la France compte un tiers de ses habitants vivant à la campagne et apparaît, à population équivalente, comme le pays le plus rural en Europe derrière la Pologne. Un élément qui mériterait d’être pris en compte à l’avenir dans la répartition des financements publics. Sans pour autant, comme le suggérait Alphonse Allais (1), aller jusqu’à « construire les villes à la campagne car l’air y est plus sain »…
(1) Cette phrase attribuée à Alphonse Allais aurait en fait été publiée en 1848, quelques années avant sa naissance, dans Le Pamphlet provisoire illustré.