En février 2022, Nougatine exposait fièrement sa robe froment et ses 730 kg au Salon de l’Agriculture de Paris. À cinq ans, elle se faisait ainsi l’ambassadrice d’une race ne comptant que 460 femelles inscrites en France. Cette robuste vache est élevée et choyée à la ferme de la Grand Mèche, dans le Vercors, berceau d’origine de la Villard-de-Lans. « C’est avec cette race que travaillaient nos grands-parents, cela nous tient à cœur de la sauvegarder », affirme Pauline Guillot, salariée de la ferme familiale où elle s’installera dans quelques années. « Ce sont des vaches de grande taille, à l’avant-main puissante, qui servaient historiquement à travailler dans les champs. Aujourd’hui, elles sont élevées aussi bien pour leur lait que leur viande. »

La jeune fille l’avoue : les villardes sont les chouchoutes de la famille : « Manipulées depuis leur naissance, elles sont particulièrement dociles et affectueuses ! » Trois ont déjà rejoint le troupeau laitier, quatre génisses préparent la relève. Le troupeau reste largement dominé par la race montbéliarde, mais le poids des villardes dépasse nettement le minimum imposé par l’AOP Bleu du Vercors-Sassenage. Pour redynamiser cette race dont les effectifs avaient chuté sous les 300 femelles, le cahier des charges stipule en effet depuis 2020 que chaque troupeau engagé dans l’AOP comporte au minimum 3 % de Villard-de-Lans (les autres races autorisées étant l’abondance et la montbéliarde). « Parmi les attentes auxquelles doit répondre une AOP, il y a son ancrage au territoire : l’utilisation de la villarde y participe », soutient Pauline.
Vaches rustiques
À la Grand Mèche, les premières villardes ont produit entre 2 800 et 5 400 kg de lait en troisième lactation – la meilleure. Un niveau modeste, cohérent avec la moyenne de 4 000 kg affichée par l’organisme de sélection de la race. Le TB moyen de 41 en fait cependant un lait très « fromageable ». Côté viande, la race est tardive. « Les jeunes mâles intéressent peu les maquignons car ils sont plus longs à finir, constate Pauline. Par contre, les réformes sont souvent assez lourdes, et la vente directe permet une bonne valorisation car la race jouit d’une bonne image. »
La rusticité compense la faible productivité et le caractère tardif. À la ferme de la Grand Mèche, ces excellentes marcheuses n’ont jamais de problème de pied. Un point crucial dans un élevage où les boiteries représentent l’un des premiers motifs de réforme, avec les problèmes de fertilité. En effet, il n’est pas rare que les vaches marchent 20 minutes pour aller au champ, pendant la saison de pâturage qui court de la mi-avril jusqu’en octobre.

« Elles valorisent très bien l’herbe, souligne aussi Pauline. Ce sont toujours les villardes qui finissent les refus des autres à l’auge. » Son attachement à la race dépasse cependant ses atouts zootechniques : « Plus énergiques que les montbéliardes, elles mettent de la couleur et de la vie dans le troupeau ! »
Visite libre
Ce troupeau bigarré s’offre en spectacle tous les soirs aux visiteurs. « Entre 17 h et 18 h, tout le monde peut assister à la traite, gratuitement et sans réservation, indique la jeune éleveuse. Beaucoup de familles nous rendent visite. On leur explique tout… Il n’y a rien à cacher ! » La moitié du lait est transformée en Bleu du Vercors-Sassenage, le reste en IGP Saint-Marcellin, raclette, pâte pressée (type gruyère) et yaourts. Le magasin à la ferme, où sont aussi revendus des produits de fermes voisines, est ouvert tous les soirs. Sa gamme étendue attire toute l’année une clientèle locale, et les touristes affluent pendant la saison de ski et l’été. « La vente directe a explosé pendant le Covid, lorsque les résidences secondaires se sont remplies, et se maintient à un bon niveau depuis, témoigne Pauline. Une chance, car « c’est grâce à la transformation et la vente directe que l’exploitation est rentable ».
