«Nous avons un système de polyculture-élevage assez classique pour la Bresse », présente Jean-Pierre Paccard. Il vient de passer la main à ses deux fils après quarante et un ans à la tête de l’exploitation située à Dompierre-sur-Chalaronne, dans l’Ain. « Nous cultivons 65 ha de maïs ensilage, 25 ha d’orge pour l’autoconsommation ainsi que 30 ha de blé vendus à l’extérieur, qui nous rendent autosuffisants en paille. Ces cultures sont en rotation avec 50 ha de prairies temporaires, ensilées fin avril, puis pâturées. »

Fauche tardive

Les associés exploitent également 32 ha de prairies naturelles dont 28 ha inondables, à 18 kilomètres de l’exploitation. « Celles-là sont conduites de manière extensive sans aucun intrant. » À première vue, ces prairies constituent une contrainte : distantes, peu productives et parfois recouvertes d’eau durant des semaines. « Il arrive que la Saône déborde six ou sept fois dans l’hiver, d’autres années pas du tout, reprend l’agriculteur. Certaines parcelles peuvent rester inondées de novembre à mai. » Voilà qui explique leur faune et leur flore si particulières, justifiant des mesures de protection. Le Gaec en a engagé certaines en MAEC (1), d’autres en contrat avec une société autoroutière (APRR) pour la protection du râle des genêts. Les contrats exigent, entre autres, une fauche tardive pour ne pas nuire à la nidification.

Cette année, certaines parcelles ont été présentées au concours général agricole des pratiques agroécologiques (lire l’encadré), et récompensées d’un second prix. « Le jury a apprécié la qualité de la flore, mais également la façon dont ces surfaces s’insèrent dans un système cohérent, commente Laurent Jullian-Binard, responsable du développement territorial à la chambre d’agriculture. Moins sensibles aux sécheresses, ces prairies apportent un peu de résilience, dans un contexte de changement climatique. » L’intéressé confirme : « Elles permettent de faire du foin d’été à un moment où l’herbe autour de la ferme devient de la paille. Elles produisent en moyenne 3 à 4 tonnes de MS/ha en première coupe, fin juillet, puis jusqu’à 1 t/ha en seconde coupe. » En revanche, ces dernières années, la sécheresse a parfois empêché de récolter du regain, même dans ces zones inondables…

Fourrage à moindre coût

Ces prairies ne sont fertilisées que par le dépôt des alluvions. « Elles produisent peu, presque deux fois moins que nos prairies temporaires, mais ne coûtent pas cher à entretenir : on n’intervient que pour faucher », souligne l’éleveur. Leur intérêt est un peu diminué lorsque le regain ne peut pas être récolté, car il faut tout de même faucher : la seconde coupe est indispensable pour préserver la qualité des prairies et contenir le développement de l’euphorbe, une espèce invasive.

Hors saison de pâturage, le foin et le regain des prairies humides constituent la ration de base des génisses, complémentées par un mélange fermier, jusqu’au vêlage à deux ans. « Si on n’avait pas ces prairies naturelles, on devrait intensifier davantage notre conduite, et probablement nourrir les jeunes avec de l’enrubannage, imagine Jean-Pierre. On préfère qu’elles soient au foin, qui les fait ruminer et leur développe la panse.

Les vaches du Gaec affichent une production laitière moyenne de 10 000 l par an. Le niveau de performance se prépare dès le plus jeune âge.

Bérengère Lafeuille

(1) Mesure agroenvironnementale climatique.