Si prompts à communiquer habituellement sur la rapidité de leurs réseaux respectifs, les opérateurs de téléphonie mobile se sont bien gardés de diffuser à grande échelle cette information cruciale. À partir de 2025, Orange, SFR et Bouygues Telecom vont cesser d’exploiter les réseaux 2G et 3G. L’impact n’est pas neutre, y compris pour les citadins car bon nombre d’objets connectés fonctionnent uniquement en 2G ou en 3G, à commencer par les alarmes des ascenseurs et les solutions d’appel de détresse dans l’automobile. Il y a quelques mois encore, un grand fournisseur de dispositifs de sécurité clamait même que sa solution était durable car « jamais les opérateurs n’arrêteraient la 2G ».
Et pourtant, depuis quelques mois, les opérateurs annoncent à tour de rôle leur calendrier de fermeture de ces réseaux. La 2G sera la première à cesser d’émettre, en 2025 pour Orange et 2026 pour SFR et Bouygues Telecom. Pour la 3G, la fin de réseau est annoncée en 2028 chez Orange et SFR et 2029 chez Bouygues. Free n’exploite plus la 2G et n’a pas encore communiqué sur la 3G.

Récupérer des fréquences
En France, la 2G mobilise des fréquences sur les bandes 900 et 1 800 MHz tandis que la 3G est déployée sur les bandes 900 et 2 100 MHz. Avec l’arrêt de ces réseaux, les fréquences sont disponibles pour d’autres utilisations. Sans surprise, les opérateurs vont les mobiliser au profit de la 4G et surtout de la 5G et de la future 6G. Ils évoquent aussi des raisons environnementales à cet arrêt.
Le ministère de la Transition numérique affirme même que « la fin de la 2G a un intérêt très net en matière d’empreinte environnementale ». De son côté, la 3G est pointée du doigt pour son importante consommation d’électricité par rapport à son débit de données. Mais ces arguments semblent tenir davantage du greenwashing (écoblanchiment) que de la réalité, comme le confirme l’Arcep, le gendarme des Telecom.
Selon la direction "mobile et innovation" de cette autorité de régulation, les gains énergétiques ne sont pas si évidents et de nombreux équipements devront être remplacés, entraînant un important gaspillage. De son côté, le CNRS alerte sur l’effet boule de neige lié à l’augmentation de la couverture 4G et 5G puisqu’en augmentant le débit, on augmente l’activité numérique et donc l’empreinte carbone. Pour les clients des opérateurs, les contrats 4G et 5G sont bien plus chers que les offres basiques 2G/3G.
De nombreux matériels concernés
En agriculture, la 2G (aussi connue sous le nom de Edge, le E qui apparaît sur votre Smartphone) et la 3G sont encore très largement utilisées et bien souvent les seuls réseaux disponibles, à moins que l’exploitation se trouve près d’un axe important. Pourtant, selon Orange, moins de 8 % de ses clients sont concernés par la 2G, ce qui représente tout de même plus d’un million d’appareils. Pour Bouygues Telecom, les clients en 2G représenteraient moins de 2 % des contrats. SFR ne communique pas cette information.

La 2G, les agriculteurs l’utilisent tous les jours sans nécessairement s’en rendre compte. C’est le réseau privilégié en dehors des grandes agglomérations pour transmettre la voix et les SMS. Quand le robot de traite ou la station météo connectée envoient une alerte sur votre téléphone, la probabilité est très élevée pour que ce SMS soit transmis grâce à la 2G. Le déploiement récent de nombreux objets connectés sur les exploitations, notamment pour le monitoring en élevage et le suivi de l’irrigation ont accru la dépendance à la 2G. L’impact n’est pas neutre non plus pour la vie rurale puisque la téléassistance dépend aussi de ce réseau.
Le retour des zones blanches
Comme pour toutes les entreprises qui utilisent des solutions connectées dépendant de la 2G, voire de la 3G, les opérateurs conseillent aux agriculteurs de mettre à jour leurs appareils vers des réseaux plus performants comme la 4G et la 5G. Mais l’avantage de la 2G est qu’elle couvre quasi tout le territoire, contrairement aux réseaux récents. Même en adaptant le détecteur de vêlage ou l’alarme anti-intrusion de la cuve de GNR, ces outils ne pourront pas envoyer de SMS avec un réseau inexistant sur l’exploitation.

De nombreux agriculteurs vont se retrouver dans l’impasse. L’Arcep s’inquiète d’ailleurs de la situation car la 4G et la 5G émettent moins loin (lire l'encadré) et nécessitent un maillage plus fin et donc plus coûteux, que les opérateurs ne se sont pas précipités à déployer. Pour l’autorité de régulation, l’arrêt des réseaux 2G et 3G va créer de nouvelles zones blanches dès 2025. Elle plaide pour le maintien de la 2G, afin d’assurer la transmission des SMS et de la voix dans les zones à faible densité. Sans réponse des opérateurs, aux abonnés absents.