Il aurait pu, comme ses copains, partir faire un tour du monde, mais Raphaël Ruegger a préféré aller à la rencontre des maires ruraux de France. De février à novembre 2021, au volant de sa Clio, il a traversé une cinquantaine de départements, une centaine de communes et échangé avec autant d’élus. Son but : créer une bourse des bonnes pratiques. « Je voulais comprendre le rôle de ces maires, explique l’étudiant en école de commerce âgé de 22 ans aujourd’hui, m’immerger dans leur quotidien, leur problématique et découvrir leur projet. J’ai donc entrepris un « Tour de France des trucs qui marchent » ».

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« Un truc qui marche » correspond à une initiative portée par des élus locaux et susceptible d’être dupliquée. La motivation de Raphaël Ruegger tient à sa propre expérience. A 16 ans, le bac en poche, le natif de Neuvy-sur-Barengeon dans le Cher, part à Tours en classe préparatoire, puis à l’Essec, une école de commerce dans le Val d’Oise, à Cergy-Pontoise. « C’était la première fois que je partais loin de chez moi. 3h 30 en voiture. Je déprimais sur place, j’avais de bons copains, mais je voulais retrouver mon village. Mes amis d’enfance me disaient : « Bravo tu as réussi ! Mais la réussite n’était pas tant de partir, que de revenir au village, avec une plus-value pour ma commune. »

Alors qu’il est toujours étudiant, Raphaël Ruegger, consultant en même temps chez Evidence, un cabinet de conseils dans l’immobilier, se présente, à 19 ans, aux élections municipales de sa commune. La liste sur laquelle il figure, est élue au premier tour. « Deux amis se sont engagés dans leur commune au même moment. Ils vivent comme moi aujourd’hui, entre Paris et leur village ».

Un droit aux rêves

Lors de son tour de France, il rencontre « des élus très novateurs qui, souvent, ne se rendaient pas compte de leur « trouvaille », se souvient-il. J’ai aussi vu beaucoup de jeunes en perte de confiance. Parce qu’ils vivent à la campagne, ils se mettent des barrières. Mais on parle du droit d’avoir des rêves partout en France ! »

Au final, « les trucs » glanés au cours de son périple, relèvent aussi bien de la mobilité, du logement, de l’éducation, de la culture, de l’espace public… Ainsi, Sylvie Baudot, maire de Cohons, 223 habitants, en Haute-Marne, a remplacé les quinze lignes de cars du pays de Langres, circulant « la plupart du temps, à vide », par du transport à la demande. Un aller vers la gare ou vers le bourg s’élève de 2,5 à 4 euros. Huit mille trajets par an sont réalisés.

Dans le Lot-et-Garonne, le maire de Lamontjoie, associé avec la chambre de métiers et un bailleur social (lire le témoignage), propose des locations à hauteur de 100 euros aux apprentis. Le maire de Saint-Dizier, en Haute-Marne, remplace durant trois semaines par an, les publicités des panneaux d’affichage, par des reproductions d’œuvres d’art.

Nouveau maillage

A l’affût, Raphaël Ruegger n’a depuis jamais cessé son tour de France. « Je suis contacté tous les jours par des maires. Je crée en ce moment un site pour répertorier l’ensemble de leurs pratiques. » Avec le cabinet Evidence, il a organisé le 22 novembre, en marge du Salon des maires à Paris, un rassemblement avec six cents élus pour lancer la Fédération des trucs qui marchent et présenter les dispositifs opérants (1).

Pour le jeune étudiant, l’une des clés pour une décentralisation réussie, respectueuse des spécificités locales, consiste à « créer un nouveau maillage à partir des villes moyennes, suivant l’idée de Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine. Ces villes doivent redevenir le point d’équilibre entre la ruralité et les métropoles ».

Cycle de rencontres

En parallèle de ces solutions locales, des propositions sont aussi faites par les institutions, à destination des jeunes. Avec l’Agenda rural, le gouvernement via l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) déploie des simulateurs de conduite. La Mutualité sociale agricole aide à financer le permis de conduire ainsi qu’à la poursuite des études pour les 16-25 ans. Elle met également en place des appels à projets à destination des jeunes ruraux.

Lancée par le gouvernement le 10 décembre, le Conseil national de la refondation (CNR) dédiée à la jeunesse se penche aussi sur leur cas. Ce cycle de rencontres devrait durer quatre mois et déboucher, au printemps 2023, sur des mesures concrètes qui auraient tout intérêt à s’inspirer « des trucs locaux qui marchent ».

(1)https://www.trucsquimarchent.fr/