Difficile d’entrer ou de sortir de Lyon depuis hier, le lundi 29 janvier 2024, et la situation pourrait durer. « L’objectif était de bloquer Lyon, c’est chose faite : les accès autoroutiers sont totalement bouchés, à l’exception des voies d’urgence, se félicite Jonathan Janichon, président de la FDSEA de l’Ain, mobilisé sur un péage au nord de Lyon. Hier [lundi], 150 tracteurs et plus de 400 personnes étaient là. Ce matin, beaucoup d’éleveurs sont repartis pour affourrager, mais on en voit revenir petit à petit. »
Au sud de la métropole, l’A7 est aussi bloquée. Restent les nationales et leurs kilomètres de bouchons. Depuis lundi, la préfecture du Rhône appelle à différer les déplacements. « Nous nous sommes organisés pour tenir jusqu’à vendredi si besoin, reprend le responsable syndical. Le mot d’ordre est de ne rien détruire et de laisser en état (1). Mais nous n’excluons pas de durcir le mouvement en entrant dans les villes. Sur les 140 mesures demandées par notre syndicat, le Premier ministre en a accordé dix… On ne peut pas s’en contenter. »
Tenir plusieurs jours
Outre cette « tenaille lyonnaise », « il y a des points de blocage à des nœuds stratégiques dans tous les départements de la région », ajoute Jocelyn Dubost, président des Jeunes Agriculteurs (JA) Aura (Auvergne-Rhône-Alpes). Sur chacun, des roulements sont prévus pour tenir plusieurs jours.
« Cela dépendra des annonces qui seront faites, reprend le jeune agriculteur. On ne veut plus se contenter d’une politique des petits chèques pour les situations de crise : il faut des changements structurels. Comment produire face à des impasses techniques, face à la concurrence déloyale ? On a besoin d’une vision d’avenir, pour nous et pour ceux qui rêvent d’embrasser le métier. »
« Soit on respecte des normes et on se protège des importations, soit on enlève des normes », abonde Jonathan Janichon. Sur leurs barrages, les FDSEA et JA ont été rejoints par de nombreux agriculteurs « non adhérents mais sympathisants », assurent les deux responsables.
Mouvements asyndicaux
« Il y a beaucoup de gens de chez nous sur le barrage de l’A7 », affirme Joris Miachon, président de la Coordination rurale AURA. Son syndicat organisait d’autres manifestations dans la région, notamment des « opérations escargot » sur des axes secondaires — les autoroutes étant déjà bloquées.
« Ce n’est pas de tout repos, admet le jeune père de famille mobilisé depuis une semaine. Mais on ne peut pas se laisser faire encore, on a déjà trop courbé l’échine. Nos vrais problèmes restent sans réponse : nos charges, nos prix, la transmission des fermes, les impasses phytos, la prédation… »
Mobilisé depuis deux jours sur un péage autoroutier en Savoie, au milieu de cinquante tracteurs, son collègue Nicolas Tissot abonde : « C’est bien de simplifier la réglementation sur les haies, mais ça ne sauvera pas nos fermes. On a besoin de trésorerie, et d’arrêter d’importer de l’agneau de la Nouvelle-Zélande en dessous de nos coûts de production. »
Un discours qui rassemble au-delà des clivages syndicaux, constate-t-il. « La CR a pris en charge l’organisation, mais on a été rejoints par beaucoup d’agriculteurs sans casquette syndicale. Et dans la journée de lundi, des ETA, des forestiers, des entreprises du BTP et même des taxis sont venus sur le barrage par solidarité. »
Produire avec ou sans normes
De son côté, la Confédération paysanne bloque depuis 8 heures ce mardi 30 janvier 2024 un péage à l’est de Lyon, dans une vaste zone logistique. « L’autoroute est bouchée dans les deux sens, indique Thierry Bonnamour, co-porte-parole du syndicat régional. Nous sommes environ 200, venus de tous les départements du Rhône-Alpes, avec une quinzaine de tracteurs et de nombreux véhicules. »

Comme les autres syndicats, la Confédération paysanne réclame la fin des accords de libre-échange et y ajoute la demande de prix minimums d’entrée sur le territoire français. « Mais supprimer les normes sociales et environnementales est une mauvaise idée. Les normes que l’on réfléchit collectivement avec l’ensemble des citoyens, ce sont elles qui nous permettent de faire société ensemble », affirme Xavier Froment, second co-porte-parole régional. Le syndicat insiste aussi sur ses revendications sociales, comme le droit de se faire remplacer sur sa ferme. En attendant, remplacés ou pas, les agriculteurs se préparent à faire durer l’action.
Des tas de fumier ont été déversés aux entrées d’autoroute, mais ils visent à en empêcher l’accès aux voitures pour éviter un nouveau drame, selon les syndicats.