À l’appel de la FRSEA et des JA, des dizaines de tracteurs venus de tous les départements de l’ex-Rhône-Alpes ont convergé à Lyon le mardi 21 février 2023, pour déverser des balles de paille et déchets verts devant la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), puis la préfecture.

Qu’on nous laisse travailler

Parmi les premiers arrivés, trois céréaliers-maraîchers de l’Ain exprimaient leur ras-le-bol, qui se cristallise sur deux points : « des produits [phyto] qu’on nous retire sans solution alternative » et « l’électricité la plus chère d’Europe ».

Producteur de melon et cultures spécialisées en Drôme, venu avec son fils par des moyens de transport plus conventionnels, Emmanuel Grégoire résume les attentes des agriculteurs présents : « Qu’on nous laisse travailler ! »

Incompréhension

Aux difficultés rencontrées dans l’exercice de leur métier s’ajoute l’incompréhension, voire l’hostilité d’une partie de la société, surtout quand on aborde le sujet de l’eau : « L’agriculture a énormément progressé dans la gestion de l’eau grâce à la technologie, et nous pouvons encore nous améliorer, souligne l’agriculteur. Mais si on veut continuer à nourrir la population, il faut nous donner les moyens de produire. »

Être entendus

Alors que le président de la FRSEA, Michel Joux, et celui des JA AURA, Jocelyn Bost, devaient être reçus à la préfecture à 14 h, personne n’avait d’illusions sur les réponses immédiates à attendre.

« On veut au moins être entendus, insiste Pascal Gouttenoire, président de la FDSEA du Rhône. Il y a des normes françaises qui étouffent les agriculteurs, comme l’interdiction du diméthoate sur les cerises, alors qu’on en importe qui sont traitées avec ce produit. On a aussi besoin d’eau pour pérenniser nos cultures et nourrir nos bêtes. Or il est devenu impossible de créer des retenues collinaires. Enfin, il faut nous expliquer pourquoi l’électricité a augmenté de 300 %… »

Quant aux prix agricoles, le responsable syndical salue les avancées de la loi Egalim, mais il y a un hic : « Le contexte géopolitique a entraîné une telle flambée des charges que les agriculteurs n’ont pas eu le temps de ressentir vraiment les bénéfices de cette loi. »

Des manifestations ailleurs en France

D’autres manifestations similaires se sont déroulées à Nîmes et Clermont-Ferrand le même jour. À Nîmes, ils étaient 150 agriculteurs avec une cinquantaine de tracteurs et remorques, selon la préfecture, le double, selon les organisateurs. Les manifestants ont déposé des souches de vignes devant la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et ont projeté du fumier, des pommes et des ballots de foin sur une avenue jouxtant la préfecture. Le défilé a été émaillé d’incidents et ponctué de jets de gaz lacrymogènes.

Dans le Puy-de-Dôme, une dizaine d’agriculteurs ont investi une grande surface proche de Clermont pour coller des stickers « la grande distribution s’engraisse, l’agriculteur vend à perte ». « On vend la moitié de nos produits à perte. On arrive chez nous pour nous acheter des vaches, on nous dit : "c’est tel prix ou tu les gardes", on ne peut pas se permettre de garder notre production », a raconté Julien Tixier, jeune agriculteur de 25 ans en polyculture-élevage qui fait « 70 heures par semaine pour 800 euros ».