En 2016-2017, le Trophée de l’agroécologie a mis Félix Noblia et son système de production sous les projecteurs. À l’époque, le ministère de l’Agriculture le récompense pour son itinéraire technique performant en SDCV (semis direct sous couvert végétal), qu’il avait mis en place afin de réduire ses charges et redonner vie à des sols en mauvaise santé. Suite à ce prix, il décide de passer l’ensemble de sa ferme en agriculture biologique : « Je ne me voyais pas continuer à réaliser des traitements, ni payer quelqu’un pour les faire. » Itinéraires techniques, associations, couverts végétaux, enrobage de semences… Depuis, il multiplie les essais sur ses terres en plein champ ainsi que sur des plateformes, et travaille à l’identification des techniques adaptées à son territoire.
Tous ne sont pas une réussite, « par exemple cette année, certaines parcelles de maïs sont ratées », constate l’agriculteur. Il estime qu’il lui a manqué un outil d’aide à la décision (OAD) pour déclencher les semis à la bonne date. En collaboration avec l’association Agr’eau, Félix travaille à l’élaboration d’un OAD basé sur des données factuelles (température du sol, pluviométrie…). « Les deux principaux enjeux en bio sont la fertilisation et la gestion des graminées pérennes. » Sur ce deuxième volet, il s’est, par exemple, rendu compte que seule l’implantation d’une végétation pluriannuelle, tel que le trèfle, a un effet sur un enherbement en ray-grass. Ainsi, « les couverts annuels gèrent seulement les plantes annuelles », illustre-t-il.
Trouver l’équilibre entre la gestion des adventices par la couverture du sol et le développement de la biomasse n’est pas une mince affaire. « Pendant deux ans, le semis de soja dans du seigle a bien fonctionné. Mais cette année a été favorable aux cultures d’hiver, et le couvert, trop développé, a donné un paillage excessivement épais. » Malgré des échecs, l’exploitant a tout de même tiré des enseignements. « Par exemple, pour l’implantation de dicotylédones, la destruction des couverts avec un rouleau faca (1) se fait avant le semis, en revanche, en post-semis pour les graminées. »
Des réussites à généraliser
Pour la prochaine campagne, le producteur a décidé de réduire la voilure du volet expérimental de façon à stabiliser sa production, et appliquer les éléments qu’il a identifiés comme étant efficaces sur sa ferme. Par conséquent, il a décidé de se baser sur la culture de méteils (voir infographie). Il va également généraliser l’utilisation de thé de compost (250 l/ha) sur les couverts. « La fertilisation des cultures doit être anticipée avant leur semis, car la minéralisation est lente », conclut-il de ses essais. La localisation des engrais organiques (plumes, sang) au semis a également été reconnue comme efficace, tout comme l’enrobage des semences par des acides humiques et des algues, ou encore l’application d’hydrolysat de soja (200 l/ha).
L’élevage valorise les échecs
Le volet expérimental de son activité est possible grâce à la complémentarité des ateliers élevages et cultures. « Si un essai ne donne pas de résultats satisfaisants, il peut être valorisé en tant que fourrage pour les vaches », déclare Félix. En commun avec d’autres agriculteurs, il a investi dans des équipements de tri. La semence de ferme qu’il en tire lui permet d’engager de très faibles coûts de production. « C’est aussi ce qui l’autorise à prendre autant de risques », explique-t-il. Ses perspectives de travail ? « Essayer, essayer, et encore essayer ».
Hélène Parisot
(1) Le rouleau faca écrase la végétation plutôt que de la trancher, mais coupe les montées de sève.