En mars, Patrice Labrosse et sa femme, Stéphanie, ont reçu vingt chefs cuisiniers néerlandais. Ces professionnels ont fait le déplacement pour visiter leur bâtiment prototype « bien-être », mis en service en juin dernier pour l’élevage de canards lourds de Barbarie.

Les mois précédents, ce sont des opérateurs allemands et scandinaves qui avaient été accueillis. « Dans les pays d’Europe du Nord, des grossistes et des chaînes de distribution sont prêts à payer plus cher un canard élevé dans des conditions favorables au bien-être animal, note Patrice. Il y a là une opportunité à saisir. Dans notre région, les coûts de production sont supérieurs aux principales zones de l’ouest de la France. »

Pour répondre à cette demande émergente, la coopérative de production avicole de Saône-et-Loire (CPASL) a élaboré, en partenariat avec l’abattoir Palmid’or de Trambly (groupe LDC), un itinéraire de production de canards traditionnels et conçu une nouvelle génération de bâtiments. Il se caractérise par un élevage sur sciure de bois traditionnellement présente dans la région, une moindre densité de palmipèdes au mètre carré et un accès à une véranda ouverte sur l’extérieur.

Chez la famille Labrosse, la canardière neuve a une surface totale de 600 m2, pour une capacité de 6 000 places. D’une largeur de 10 m, la dalle bétonnée est recouverte d’une litière de sciure de bois. Plus chaude que le caillebotis, cette dernière apporte aux animaux un confort supplémentaire. « Avec une température de 33 °C, les canetons démarrent plus rapidement, souligne Stéphanie. Ils sont plus combatifs. » Ils sont aussi moins sensibles aux problèmes sanitaires. « La litière a un effet tampon », estime Patrice.

Bâtiment lumineux

Équipé de quatre grandes fenêtres de 3 m2, le bâtiment est très lumineux. Autre spécificité : il est doté d’un jardin d’hiver. D’une superficie correspondant à 20 % de la surface du bâtiment, ce préau ouvert sur l’extérieur permet aux canards de prendre l’air sans aucun risque : un grillage les protège de tout contact avec la faune extérieure. Les neuf trappes de 3 m de long s’ouvrent sur cette véranda dès que les canetons ont six semaines.

Les palmipèdes sont nourris au maïs, blé et tourteau de soja. Les mâles sont élevés 84 jours en moyenne et commercialisés à un poids de 5,2 kg. Les femelles partent à 2,8 kg après 70 jours d’élevage. Pour renforcer l’immunité des poussins, une cure de vitamines et de sélénium est réalisée à huit jours. Des huiles essentielles (saro, ravintsara, menthe poivrée) sont épandues régulièrement pour assainir le milieu et apaiser les palmipèdes. Une à deux fois par semaine, Stéphanie endosse l’atomiseur équipé d’un moteur thermique. Cinq minutes suffisent pour faire le tour du bâtiment. « La fréquence de la brumisation peut augmenter jusqu’à trois fois par semaine quand les canards se piquent ou se mettent à tousser », précise-t-elle.

La quatrième bande de canards « bien-être » a été mise en place début avril. « Nous sommes encore en phase expérimentale mais les premières observations confirment les prévisions de l’étude économique », remarque Patrice. Par rapport aux canards en bâtiment standard, l’indice de consommation augmente de 150 g d’aliment par kg de croît. Il passe de 2,6 à 2,75. Pour compenser le surcoût lié à une moindre densité d’animaux et à l’utilisation de sciure (30 m3 à 12-14 € départ scierie pour 1 000 canards), un supplément de prix d’achat de l’ordre de 0,05 €/kg vif est nécessaire. C’est sur cette base qu’a été contractualisée la production des trois bâtiments qui vont être construits dans d’autres élevages de la CPASL.

Demande de label GIEE

Un dossier de candidature pour labellisation GIEE a été déposé par les éleveurs de la coopérative, le 10 avril. « L’objectif est de légitimer les actions déjà menées et de poursuivre notre démarche de recherche de qualité et de bien-être animal, précise Patrice. Avec le label GIEE, nous pourrons accéder plus facilement à des aides pour l’équipement, tel que le dispositif de brumisation automatique, une aide à l’achat de la distributrice de sciure, l’intégration du bâtiment dans le paysage… Nous pourrions aussi travailler sur la démédicalisation. »

À côté du bâtiment « bien-être », Patrice et Stéphanie ont une canardière standard de 500 m2 avec caillebotis, ainsi qu’un troupeau allaitant de 85 mères limousines et charolaises. Longtemps dominant sur la ferme, ce dernier cède progressivement la place aux canards de Barbarie. « Avec 35 % du temps de travail, l’atelier canards procure un chiffre d’affaires annuel de 500 000 €. Celui des bovins s’élève à 160 000 €, avec 65 % de la charge de travail. Force est de constater que le canard offre une bien meilleure rémunération que les bovins, pour une charge de travail inférieure. »