De l’herbe, de la luzerne, et c’est tout. C’est ainsi que Jean-Baptiste Drouin et son épouse Stéphanie, éleveurs à Girolles, dans le Loiret, nourrissent 200 blacks aberdeen-angus et 150 chèvres alpines.
Ce système tout herbe, ils ont dû le recréer de toutes pièces. Quand ils se sont installés, il y a une dizaine d’années, sur l’exploitation du père de Jean-Baptiste, en pleine région céréalière, ils ont complètement revu l’assolement. « Sur ces 180 ha, regroupés autour de la ferme, tout était cultivé, se souvient Jean-Baptiste. Il n’y avait plus d’animaux. Mon père faisait des céréales, du maïs irrigué, mais ça n’était pas notre credo. »
Dans un premier temps, ils constituent un troupeau d’une soixantaine de chèvres, avec transformation et vente à la ferme. Ainsi naît la Chèvrerie de la petite Brosse, qui deviendra la Chèvrerie and Cow avec l’arrivée du cheptel allaitant. Petit à petit, toutes les parcelles sont retournées et implantées en prairie ou en luzerne. Ces surfaces sont aussi en partie plantées d’arbres fruitiers. « Il nous a fallu plus de deux ans pour poser 90 km de clôtures », lance Jean-Baptiste.
Côté matériel, il ne regrette rien. « Nous avions une moissonneuse-batteuse et cinq tracteurs, se souvient-il. Aujourd’hui, il n’en reste qu’un, et nous l’utilisons à peine 200 h/an. Même pour déplacer les bovins, nous n’attelons plus la bétaillère. Nous les emmenons à cheval. Cela limite le stress des animaux. »
Les 17 ha les plus proches de la ferme sont réservés aux chèvres. Elles sortent 3 h/jour, de mars à octobre, en pâturage tournant. « Il y a sept paddocks en tout, calcule Jean-Baptiste. Les chèvres laissant souvent des refus lorsqu’elles quittent une parcelle, j’y mets ensuite les chevaux. Eux nettoient tout. »
24 heures par paddock
Même système de pâturage tournant dynamique pour les angus, qui vivent exclusivement dehors. « Le troupeau, de 80 mères et leurs suites, tourne sur 150 ha, dont 100 sont divisés en petites parcelles, compte Jean-Baptiste. Nous avons tout clôturé, de sorte d’avoir des paddocks de 1 ha en moyenne, sur lesquels chaque lot ne reste pas plus de 24 h. » Dès que les mères et leurs veaux entendent le 4 x 4 de l’éleveur s’approcher du pré, tous lèvent le mufle pour se précipiter vers la sortie du champ. Jean-Baptiste ouvre le paddock voisin, et envoie son chien, un berger australien, derrière le troupeau. Les bovins ne se font pas prier, s’engouffrent dans la nouvelle pâture et plongent la tête dans l’herbe fraîche. « Voilà comment, en moins de trente secondes, je nourris tout un lot d’animaux », sourit-il. L’hiver, lorsque les sols sont moins portants, les animaux disposent d’une parcelle protégée par un bois. « Mais nous envisageons d’aménager un ancien bâtiment en stabulation, pour les deux mois les plus rudes. »
Les vêlages sont groupés sur la sortie d’hiver et le début du printemps. Les vaches bénéficient ainsi d’une herbe abondante pour soutenir leur production laitière, et les éleveurs ne sont pas dépassés par la pousse. Les jeunes sont sevrés en fin d’année et allotés par sexe. « Nous gardons les mâles entiers pour la vente directe et un restaurateur, décrit Jean-Baptiste. Nous en abattons un par semaine. » Les animaux sont âgés de 2 à 3 ans, et affichent en moyenne un poids de carcasse de 340 kg. « Ils partent à l’abattoir de Cosne-sur-Loire (Nièvre), puis c’est un boucher qui s’occupe de la transformation, ajoute-t-il. Nous proposons des colis, de la viande au détail et des plats préparés de type pot-au-feu. »
Pas besoin des génisses
Pour l’instant, aucune jeune femelle n’est conservée. « Elles sont toutes vendues pour la reproduction, explique-t-il. Nous n’en avons pas encore besoin pour le renouvellement. La longévité de l’angus est telle qu’une vache peut avoir 12 à 15 veaux ! Et il existe une forte demande en France pour ce type de génisses. Sans compter la trésorerie qu’elles représentent pour la ferme. »
Cet hiver, la Chèvrerie and Cow a lancé un troisième atelier : du porc en plein air. « Un petit bâtiment servait à ranger le matériel pour les cultures, précise Jean-Baptiste. J’y ai construit des cases sur pailles pour les cochons. Dehors, ils disposent de 2 ha divisés en paddocks. » Avec seulement trois truies, Jean-Baptiste espère produire une soixantaine de porcelets par an. « Cela représente un animal à abattre par semaine, calcule-t-il. C’est tout ce dont j’ai besoin pour le magasin. »
Cette réorientation vers l’élevage et un système extensif a considérablement réduit les charges de l’exploitation. « J’ai 35 ans, je suis installé depuis dix ans, et d’ici trois ans, la ferme n’aura plus d’emprunts en cours », souffle-t-il.