«Mon ensilage d’herbe issu de la récolte 2018 a un taux de matière sèche (MS) de 56 %. Sans adaptation, celui de ma ration serait de 45 %, or mon objectif se situe entre 36 et 38 %, voire 40 % grand maximum. En dessous de 35 %, on risque de détremper la table d’alimentation et de provoquer une perte de l’effet mécanique de la panse. Au-delà de 40 %, les particules fines issues des concentrés n’adhèrent plus suffisamment aux fibres, et c’est la porte ouverte au tri et au déséquilibre alimentaire », explique Vincent Ory, éleveur à Crézilles, en Meurthe-et-Moselle.
Jérôme Larcelet, responsable du pôle nutrition chez Seenorest, a accompagné l’éleveur dans l’élaboration de sa ration. « Le tamisage permet d’estimer la proportion des différentes tailles de particules et d’estimer le besoin en eau, explique-t-il. L’idée est de limiter à 15 % la part de particules fines libres inférieures à 4 millimètres. »
La ration hivernale des vaches laitières distribuée à l’auge est composée de 30 kg bruts d’ensilage de maïs, 12 kg d’ensilage d’herbe, 6 kg de drêches de brasserie, 3,3 kg de céréales, 1,5 kg de tourteau de soja et… 17 litres d’eau par tête et par jour.
Vincent a modifié son astreinte de préparation alimentaire depuis maintenant six mois. Le matin, la première étape consiste à mélanger les drêches, les concentrés et l’ensilage d’herbe, avant de les laisser détremper pendant une demi-journée dans la mélangeuse. L’ensilage de maïs, avec une coupe de qualité au silo, est ajouté et mélangé au reste avant la distribution du soir. « Le temps de trempage peut être plus court, de l’ordre de 30 minutes, notamment si les concentrés sont sous forme de farine. Le but est d’obtenir une pâte qui pourra adhérer aux fibres, précise Jérôme Larcelet. Quant à la quantité d’eau, il faut s’appuyer sur le logiciel de rationnement et le rendu à l’auge, mais on peut garder comme repère général 1 litre d’eau pour 1 kg de concentrés. Plus il fait chaud, plus il est important d’avoir une préparation compacte, afin d’éviter que la ration ne s’échauffe. »
Maintenir l’ingestion
Cette pratique a permis à l’éleveur de maintenir le niveau d’ingestion du troupeau, malgré des fourrages de moindre qualité. « Le niveau d’ingestion moyen depuis les six derniers mois est de 26,8 kg de MS ingérée par vache laitière (VL) et par jour. Et c’est largement valorisé, se félicite Vincent. Durant la même période, le niveau de production se situe autour de 38 kg de lait par VL et par jour, avec des taux conservés. C’est en deçà des résultats de l’hiver 2017-2018, mais cette année, en plus des fourrages de moindre qualité, le stade de lactation moyen est plus faible et la proportion de primipares exceptionnellement élevée : 50 % contre 25 % habituellement. »
En plus de limiter les risques d’acidose, la stimulation de l’ingestion dès le début de la lactation permet de prévenir les cétoses. Pour Jérôme Larcelet, ces résultats sont excellents. « Peu d’éleveurs ont réussi à maintenir un tel niveau de performances à la suite des conditions climatiques 2018, insiste-t-il. Cette pratique ne peut pas faire de mal. Elle participe à l’homogénéisation de la ration et donc à la stabilité ruminale des animaux. Il est normal que les résultats suivent. »
Quant au comportement, Vincent Ory assure que les vaches ne trient pas. Résultat : de cinq à trois repousses par jour, une ration accessible à volonté à l’auge et moins de compétition entre les animaux. « Il n’y a plus de refus, ce ne sont que des restes consommables », ajoute l’éleveur. Ce changement d’approche n’a pas nécessité d’investissement particulier. « Il n’y a pas tant d’astreinte supplémentaire, affirme-t-il. Il faut simplement surveiller le dosage de l’eau, bien penser à vidanger le tuyau en hiver et entretenir plus régulièrement la table d’alimentation, pour éviter le développement de butyriques dans les porosités du béton. »
Alexandra Courty