En 2006, lorsque l’influenza aviaire H5N1 arrive en France, Pascal Tauzin prend conscience pour la première fois du risque sanitaire lié à la concentration de ses volailles au même endroit. L’éleveur décide alors de séparer ses ateliers sur deux sites distants de 3 km, l’un pour les poulets en liberté, l’autre pour les canards. Neuf ans plus tard, la grippe aviaire revient. L’exploitation est touchée en décembre 2015 : un foyer H5N1 est identifié dans le bâtiment de gavage. Après un vide sanitaire de quatre mois et la mise en place des mesures de biosécurité obligatoires (gestion des entrées et sorties de l’exploitation, bonnes pratiques d’hygiène, sas), le travail reprend. Mathieu, le fils de Pascal, salarié à l’époque, prépare son installation et projette d’investir dans un nouveau bâtiment de finition des canards.
Confinement
Quand la grippe frappe encore en 2016, le choc est rude. L’exploitation est contrainte d’abattre en préventif 12 000 canards prêts à gaver (PAG). Après ce dernier épisode, Mathieu revoit son projet d’installation et décide d’investir dans un bâtiment neuf de 804 m², avec des règles de biosécurité renforcées.
« C’est un bâtiment lumineux avec trois échangeurs d’air, chauffage ainsi que ventilation régulés automatiquement, pesage automatique, alarme et vidéosurveillance », précise Mathieu. Les canards ont un libre accès au parcours extérieur, mais doivent rentrer dans le bâtiment afin de se nourrir. À l’intérieur, une chaîne d’alimentation en trois lignes de 64 assiettes a été conçue pour aller du démarrage jusqu’à la finition. « Il nous fallait deux heures chaque jour pour remplir les trémies installées à l’extérieur. À présent, nous avons un système de distribution par chaîne automatique. Cinq minutes suffisent pour distribuer l’aliment. Nous évitons ainsi les allers-retours sur le parcours. » La forme ovale de la mangeoire augmente la place par canard, et empêche la compétition et le gaspillage. « Nous sommes à 6,5 cm par canard, contre 1,1 cm avant. »
Concernant la litière, les associés ont opté pour la mécanisation du paillage. Pour des questions de biosécurité, il n’était pas envisageable d’entrer tous les jours avec une machine dans le bâtiment. Leur choix s’est porté sur un système de flexibles reliés à une pailleuse pneumatique positionnée à l’extérieur. La litière propulsée est un bouchon à base de paille délitée et d’une molécule à fort pouvoir absorbant. Le paillage représente un travail quotidien d’environ deux heures les quinze premiers jours, et passe à une ou deux fois par semaine dès que les canetons sortent.
Si Pascal et Mathieu ont conservé un mode de production en plein air, ils peuvent désormais confiner leurs canards en cas d’alerte sanitaire. Du 15 novembre au 15 mars, période de risque de grippe aviaire, les bandes sont réduites à 4 000 canards (5 canards/m2) au lieu de 6 000 (7,5 canards/m2) le reste de l’année. Les éleveurs ont également adopté la conduite en bande unique, désormais obligatoire.
Densité réduite
« Anciennement, nous redémarrions une bande chaque mois, et avions jusqu’à deux ou trois âges différents sur le site », précise Pascal. Aujourd’hui, les éleveurs travaillent par cycle de quinze semaines, qui inclut une semaine de nettoyage et deux semaines de vide sanitaire. Ce fonctionnement a réduit leur production annuelle. « Nous sommes passés de 60 000 à 48 000 par an », résume Mathieu. En contrepartie, leur coopérative (Maïsadour) a versé une prime d’investissement de 15 000 €, et revalorisé le prix de reprise de 40 cts€ par canard. Pendant la période de moindre densité, les éleveurs touchent également une « prime de confinement » de 1,38 € par canard. Le bâtiment fonctionne depuis avril 2018, et les résultats techniques restent stables par rapport à l’ancien système (voir infographie ci-dessus). « Si tout se déroule comme prévu en 2019, les éleveurs devraient retrouver un revenu comparable à l’avant crise ».
Hélène Quenin