Rodolphe Bujon, agriculteur céréalier à Magné (Vienne), a obtenu la certification de niveau 3, ou HVE (haute valeur environnementale), pour l’ensemble de son exploitation en 2018. Ce plus haut niveau de la certification environnementale est encore peu répandu en grandes cultures, avec seulement 262 exploitations sur 5 399 certifiées au 1er janvier 2020, selon les données du ministère de l’Agriculture. C’est par l’intermédiaire de la coopérative de la Tricherie, dont il est adhérent depuis 2016, qu’il s’est lancé dans la démarche. « Pour moi, c’est une continuité et une reconnaissance. En 2010, je me suis engagé dans une mesure agroenvironnementale (MAE), j’ai réintroduit plusieurs cultures dans mon assolement, dont des protéagineux, et depuis 2013 je suis en agriculture de conservation. »

Quatre critères

La certification HVE est fondée sur des obligations de résultat mesurées par des indicateurs relatifs à la stratégie phytosanitaire, la biodiversité, la gestion de la fertilisation et de l’irrigation (voir l’infographie p. 25). Un minimum de dix points dans chaque critère est requis, ce que l’exploitant a validé sans difficulté. « Je n’ai pas changé mes pratiques et j’essaie toujours de les faire évoluer », indique-t-il. L’IFT de son exploitation doit, par exemple, être inférieur à la référence régionale. « J’emploie peu d’insecticides et je ne désherbe jamais à pleine dose. J’avais déjà recours au biocontrôle, contre la pyrale du maïs notamment, et je tends à davantage le privilégier pour rester en HVE. » Pour autant, l’agriculteur ne se prive pas d’un traitement lorsque celui-ci est nécessaire. « Je fais attention, mais je ne vais pas risquer de mettre ma ferme en péril pour du HVE. »

L’implantation de haies, de jachères mellifères ou les nombreux couverts sont autant d’éléments lui permettant de gagner des points de biodiversité. « Les prairies bio y contribuent aussi. Je les ai gardées pour vendre le foin, après l’arrêt de l’élevage en 2013, car ce sont des terres à faible potentiel. Je fais aussi du foin de luzerne. C’est une culture intéressante qui structure le sol et dont l’IFT est inférieur à 1. » Les légumineuses de l’assolement sont prises en compte dans le critère de gestion de la fertilisation, ainsi que la couverture du sol. « Il s’agit de faire le bilan azoté de l’exploitation, précise-t-il. Il faut aussi un plan de fumure et utiliser un OAD (1) pour optimiser les apports. »

 

Rodolphe arrose une partie de son exploitation. Il fait partie d’une association d’irrigants, la certification HVE exigeant l’adhésion à une démarche de gestion collective de l’eau. Elle considère, de plus, la part de prélèvement en période d’étiage et requiert un enregistrement des pratiques.

Une valeur ajoutée

Le céréalier admet que la valorisation économique du HVE a participé à son engagement. « Beaucoup d’organismes stockeurs souhaiteraient que leurs adhérents entrent dans la démarche, mais ne proposent rien derrière », rapporte-t-il. Avant d’obtenir la certification, il était déjà engagé dans la filière CRC (culture contrôlée raisonnée), avec la coopérative de la Tricherie. « Je vends 15 % de mon blé dans cette filière, qui bénéficie d’une double prime : de 10 à 20 €/t avec le CRC et un complément avec la certification HVE. C’est une valeur ajoutée non négligeable. » En 2019, son blé CRC et HVE s’est ainsi vendu environ 200 €/t. « Aujourd’hui, seul le blé bénéficie d’une prime HVE, explique-t-il. Certaines productions comme la vigne arrivent à mieux valoriser la certification. En céréales, on espère pouvoir s’ouvrir à d’autres filières et chercher des contrats de haute qualité. »

Justine Papin

(1) Outil d’aide à la décision.