Entouré d’éleveurs laitiers, Vincent Leclerc fait figure d’exception avec son troupeau de 105 charolaises, à Savigny, au cœur de la Manche. En multipliant les débouchés, il valorise ses réformes en moyenne 4 €/kg carcasse (kgc), ses génisses 4,42 €/kgc et ses broutards 1 000 €. Les génisses de 30 mois et les jeunes vaches sont vendues à un boucher abatteur local, au tarif de 4,5 €/kgc, inchangé depuis 2013. « Je travaille avec ce boucher depuis dix ans, retrace Vincent. Je me suis adapté à ses besoins, en privilégiant notamment des livraisons au printemps, quand l’offre se fait plus rare. Je fais attention à lui fournir 25 femelles bien finies mais pas trop lourdes, que je livre à l’abattoir de Coutances, à 5 minutes de route. » Une quinzaine de réformes âgées de 5 à 9 ans sont destinées aux étals d’Intermarché, via un partenariat avec Elvea. « Ce débouché est également assez exigeant en termes de qualité, commente l’éleveur. Les vaches U– sont payées 4,12 €/kgc, ce qui est assez correct. » Les 5-6 réformes de plus de 10 ans et les vaches les moins bien conformées sont vendues en direct à la Socopa ou à un négociant, aux alentours de 3,6 €/kgc. À l’inverse, les 2-3 meilleures vaches sont présentées dans des concours de viande locaux. Si la convivialité de ces événements est la raison numéro un de sa participation, Vincent met également en avant la bonne rémunération des animaux, entre 5 et 5,5 €/kgc.

Des animaux bien finis

Afin de satisfaire sa clientèle, Vincent Leclerc maintient en permanence ses animaux dans un bon état corporel et les engraisse pendant trois mois (à l’herbe avec un complément de 3 kg de mash l’été, avec de l’ensilage de maïs et d’herbe à volonté et 3 kg de mash en hiver). Très observateur, il adapte en permanence le chargement de ses parcelles à la pousse, afin de fournir un maximum d’herbe jeune aux animaux. Les sols sont riches, et l’épandage du fumier suffit en général à les fertiliser. « C’est déstabilisant vu de l’extérieur, car rien n’est planifié d’avance, commente Jean-Claude Dorenlor, référent bovins viande à la chambre d’agriculture de Normandie. Mais les résultats sont là. La productivité est élevée, à hauteur de 466 kg de viande vive/ha SFP et de 314 kgvv/UGB. » La double période de vêlage permet d’étaler davantage les sorties des animaux et d’affiner la gestion des ressources fourragères.

Vente directe de broutards

Côté mâles, les broutards sont vendus à deux éleveurs laitiers installés dans un rayon de 10 km autour de l’exploitation. Comme pour le partenariat avec le boucher, la confiance et l’adéquation des animaux aux besoins des engraisseurs sont primordiales. « Je leur livre des lots homogènes d’une dizaine de mâles sevrés, complémentés depuis l’âge de deux mois, calmes, vaccinés contre les maladies respiratoires et déparasités. Le trajet est très court et les animaux se connaissent, ils sont donc très performants dès le début de l’engraissement. » Vincent se fixe comme objectif de vendre ses animaux 1 000 €. Il regarde les cotations et ajuste le poids des bêtes en conséquence (autour de 330-350 kg) « Lorsque l’on pratique la vente en direct, il ne faut pas être opportuniste, souligne-t-il. Même si un lot est un peu meilleur une année, je reste sur les mêmes tarifs, afin qu’un climat de confiance s’établisse. J’appelle les engraisseurs deux à trois semaines avant la sortie des animaux, mais je suis aussi prêt à les garder huit jours de plus pour faire correspondre nos plannings. » Ce partenariat direct avec des engraisseurs existe depuis la création de l’exploitation et Vincent n’a jamais eu de difficulté à trouver des clients. Une dizaine de taureaux reproducteurs de 14 à 16 mois sont également vendus chaque année.

Valérie Scarlakens