Intarissable. Matthieu Cosson, jeune installé après 18 ans comme chargé de mission à la LPO, est passionné par le houblon. Il aime partager tout ce qu’il a découvert sur cette production depuis plus de deux ans grâce à de multiples rencontres avec des houblonniers, brasseurs, consommateurs à travers la France et la Belgique… et à son expérience. « J’étais le premier à me lancer dans ma région dans cette production en 2016, se souvient-il. Ce n’était pas facile car il y a peu d’informations disponibles pour les nouveaux producteurs. Il faut tout créer. La famille Pageot, qui exploite en bio près de chez moi, a été la première à croire en mon projet un peu fou et je l’en remercie. »
Et elle a fait plus qu’y croire puisqu’elle lui a cédé une parcelle de 1,8 ha où Matthieu a installé sa houblonnière. Installer, c’est bien le terme, car pour un hectare, il faut plus de 80 poteaux de châtaignier de 6 m plantés tous les 10 m en quadrillage, plus de 4 km de câbles, 3 km de corde de coco et environ 2 000 rhizomes plantés sur des buttes. Une installation qui demande beaucoup de main-d’œuvre mais qui devrait durer une quinzaine d’années, sachant que la production commence timidement la deuxième année (30 à 40 % du potentiel) et réellement la troisième année. En bio, Matthieu table sur une production prudente de1 t/ha.
Investir 120 000 €
Mais avant d’en arriver là, il a investi environ 120 000 € (avec la difficulté de convaincre les banques qui ne connaissent pas cette production !) : le prix de l’installation de la houblonnière (25 000 €/ha), des rhizomes (2,50 à 3,50 €/rhizome acheté en Angleterre), du fermage, de la main-d’œuvre et surtout du matériel acheté d’occasion. Matthieu a notamment investi dans un tracteur viticole (12 000 €) pour passer facilement entre les cordages. Les voisins lui prêtent un plus gros tracteur pour installer câbles et cordes. Il a aussi acheté du petit matériel pour disquer et butter (5 000 €) et une trieuse qui sépare les lianes des cônes (13 000 €). Ensuite, ces cônes (fleurs femelles) passent six heures dans un séchoir (2 000 €) à 60 °C pour atteindre 13 à 14 % d’humidité avant d’être pressés (6 000 € la presse), mis en balles et stockés en chambre froide.
Pour les aspects agronomiques, Matthieu apprend en avançant. « J’ai choisi mes variétés selon les besoins en arômes ou en amertume des brasseurs », précise-t-il.
Afin de booster la plante, il utilise de la silice. « Je pense aussi apporter du compost de fumier une fois par an, précise-t-il. L’an passé, contre les attaques de pucerons, j’ai épandu du purin de prêles, orties et fougères, ce qui a été efficace. » Contre le mildiou, maladie principale du houblon que Matthieu a eu la chance de ne pas encore voir sur ses plantes, il pourra utiliser de la bouillie bordelaise.
50 clients brasseurs
Mais produire ne suffit pas, Matthieu doit aussi vendre sa production. Il a donc fait le tour des brasseurs des Pays de la Loire et de Bretagne. Résultat : il livre une cinquantaine de microbrasseurs et leur vend les cônes 32 €/kg, en contrat pluriannuel. Un prix calculé selon son coût de production même si, pour l’instant, il ne se verse que 300 €/mois de salaire.
L’avantage de cette vente en direct, outre la dégustation, c’est d’avoir un retour sur la qualité de sa production et sur les besoins de ses clients. « Les brasseurs demandent de plus en plus des pellets de cônes à la place des cônes, question de praticité, raconte Matthieu. Mais il n’existe pas de machines de pelletisation pour de petites quantités de moins de 1 tonne. Du coup, je discute actuellement avec certains brasseurs pour qu’ils investissent avec moi dans une grosse machine de 50 000 € qui ensache également. Pour amortir plus vite, on pourrait pelletiser en prestation. Trouver cette machine et son financement, c’est mon nouveau défi pour cette année ! », conclut Matthieu, qui ne manque ni d’enthousiasme, ni d’arguments pour convaincre.