«En parallèle de l’amélioration des résultats économiques, j’ai aussi trouvé mon équilibre de vie grâce au groupe. Aujourd’hui, je sais que je ne changerai de métier pour rien au monde », constate Sylvain de Bosschere, agriculteur en Gaec de polyculture élevage avec son frère Gabriel sur 203 ha, à la frontière du pays de Caux et du Vexin. Installé en 1984, il a participé à la création du GIE (groupement d’intérêt économique) des plaines d’élevage et de la Cuma des sept plaines en 1993 – deux structures encore très actives aujourd’hui. « Au lendemain de la réforme de la Pac de 1992, nous cherchions à conserver de la valeur ajoutée sur nos sept exploitations », retrace Sylvain.
Prix de gros
« J’estime gagner environ 300 €/ha de plus pour une production de blé, par rapport à une exploitation qui fonctionnerait avec les mêmes résultats de production, mais en solitaire. Parmi ces 300 €, 200 € sont gagnés grâce au GIE et 100 € sont gagnés sur les charges de mécanisation. Je pense que sur le terrain, on parle peut-être trop de technique et pas assez de tout ce que les agriculteurs peuvent gagner à se regrouper », relève le producteur, dont l’assolement est constitué de blé, d’orge, de betterave sucrière, de colza, de lin textile et de prairies, complété par un atelier d’engraissement des taurillons laitiers.
Au sein du GIE, dont il assure la présidence et dont il a été l’un des précurseurs, les quinze exploitations adhérentes négocient des prix de gros pour environ 90 % de leurs achats d’intrants, fuel, phytos, engrais, semences, aliments, bâches, ficelles, prestations de triage à façon, etc. « Récemment, nous avons participé à l’installation d’un jeune. Les banques ont été rassurées de voir qu’il faisait partie du groupe. Concrètement, au travers du GIE, je pense que nous pouvons faire aboutir des projets qui ne pourraient pas voir le jour autrement », assure Sylvain. Le groupe aurait cependant atteint une taille critique. «« Le relationnel et la confiance sont la clé de notre fonctionnement. Aujourd’hui, nous refusons du monde. Nous ne voulons pas grossir davantage », explique Gabriel.
Accélérateur d’idées
Le GIE se réunit au minimum une fois par mois. Chaque membre est spécialisé dans un domaine pour apporter ses compétences et son expertise aux autres. Pour l’agriculteur, « le GIE est un accélérateur et un incubateur d’idées. Un collègue nous a délivré une astuce pour économiser 25 €/ha de colorant pour semence. Celui qui n’était pas à la réunion a perdu une information précieuse. Le GIE est tout sauf une perte de temps. En cas de coup dur, nous sommes aussi capables de nous entraider. C’est aussi le lieu où se créent des relations gagnant-gagnant entre exploitants. De notre côté, nous échangeons de la paille contre du fumier, nous achetons tous les veaux mâles à des collègues du GIE pour remplir notre atelier de taurillons, etc. Nous faisons jouer entre nous la “fongibilité” (1) des moyens de production et des productions lorsque cela a du sens du point de vue logistique ».
Assolement en commun
L’exploitation va encore plus loin en pratiquant l’assolement en commun. « Nous optimisons la main-d’œuvre, notamment avec du matériel performant. Nous gagnons ici encore un temps précieux, que nous consacrons à la réflexion sur notre système ou à notre vie de famille. » Les producteurs se sont également équipés d’un stockage à plat de 3 000 t partagé entre cinq exploitations, avec un séchoir mobile pour traiter le grain humide en cas de besoin. Ils ont noué un partenariat au port de Rouen pour livrer tout leur blé. Ils se sont mis d’accord sur un taux de marge de l’opérateur, qui laisse aux agriculteurs un gain d’environ 6 à 7 €/t. La boucle est bouclée.
(1) Les biens dits fongibles peuvent être remplacés contractuellement par un bien du même genre.