Depuis vingt-deux ans, Bernard Bouilliard, agriculteur dans l’Aube, implante des Cipan (culture intermédiaire piège à nitrates) pour répondre à la réglementation. En effet, les épandages d’été du lisier de porc sur chaumes de céréales avant une culture de printemps le contraignent à semer un couvert.
Sur colza, les repousses suffisent à piéger les nitrates. Mais les Cipan permettent également d’apporter de la matière organique au sol dans une région où le taux est faible. « C’est ce qui m’a poussé à en implanter dès que possible même sans apport de lisier », raconte Bernard Bouilliard, « d’autant plus qu’avec des plantes pivotantes comme le tournesol et l’avoine, on structure le sol. Cela facilite la préparation et permet à la culture suivante de mieux résister au stress hydrique. » Un intérêt non négligeable pour l’agriculteur qui conduit son exploitation en non-labour.
Si au départ,Philippe semait seulement de la moutarde, très vite il teste d’autres mélanges. Depuis six-sept ans, son mélange de référence, semé à 50 kg/ha, est composé de radis (6 %), moutarde (6 %), tournesol (8 %), avoine (60 %) et vesce (20 %). « Le radis et la moutarde couvrent rapidement le sol et concurrencent les repousses de céréales. »
Depuis cinq ans, Bernard Bouilliard teste aussi des mélanges de Cive (culture intermédiaire à valorisation énergétique) pour sécuriser l’approvisionnement du méthaniseur en ajoutant au lisier (qui contient 94 % d’eau) des matières plus solides.
Mélanges d’été et d’hiver
L’installation « digère » ainsi chaque année 13 000 t de lisier et 6 100 t de déchets de céréales, de pommes de terre, d’oignons, de malterie, de meunerie ainsi que 400 t d’ensilage de Cive. Celles-ci sont implantées uniquement après l’escourgeon ou l’orge de printemps qui libère les terres très tôt autour du 15 au 20 juillet. « Cela me permet de profiter de l’humidité qui reste encore dans le sol pour favoriser une bonne levée. Je fertilise avec 100 à 120 u/ha d’azote apportées par 25 à 30 m³ de digestat du méthaniseur qui contient également du phosphore et du potassium. »
La directive nitrate autorise, en effet, jusqu’à 120 u/ha d’azote avant les Cive car elles sont récoltées. « Dans la foulée, je sème le même mélange que pour les Cipan à 50 kg/ha. En 2015, j’ai aussi testé le mélange avoine (75 %) - tournesol (10 %) - radis (7,5 %) - colza fourrager (7,5 %) à 40 kg/ha. J’ai également essayé du maïs précoce en pur et du sorgho fourrager mais les mélanges s’en sortent mieux. » La récolte a lieu après le 15 octobre. « Je n’irrigue pas, ce qui fait que pour la récolte de 2015 (année sèche), je n’ai obtenu que 3 t de matière sèche (MS)/ha avec les mélanges. Le maïs et le sorgho n’ont quasiment rien donné. En 2014, année avec un été pluvieux, le mélange a atteint 10 t de MS/ha. » En moyenne, on est autour de 6 à 7 t de MS/ha.
Bernard Bouilliard teste également des Cive qui passent l’hiver. « Je les implante après des céréales fin septembre pour une récolte la dernière semaine d’avril avant un maïs ou un tournesol. Il s’agit de seigle mélangé avec un peu de vesce, semé à 60-70 kg/ha et fertilisé fin février avec 20 m³ de digestat, soit 80 u/ha d’azote. » Ce type de Cive, moins sujettes aux aléas climatiques que celles récoltées à l’automne, procure au minimum 6 t de MS/ha.
54 à 67 €/t de MS
Pour l’instant, sont implantés environ 15 ha de Cive d’été et seulement 4 à 5 ha de Cive d’hiver mais les surfaces de ces dernières sont amenées à se développer. « Les deux sont complémentaires. Les premières sont plus aléatoires en termes de production si l’été est sec mais elles permettent de libérer le sol tôt en octobre. Les Cive d’hiver sont plus sécurisantes mais elles ne peuvent être implantées que sur des surfaces plus restreintes. » Le fait d’avoir deux récoltes nécessite également moins de capacité de stockage. La récolte est stockée comme un ensilage d’herbe. « Je couvre simplement avec des issues de céréales. » Les 20 ha de Cive (sur les 50 ha de couverts implantés chaque année) suffisent pour compléter les autres matières végétales apportées au méthaniseur. « Si ces dernières venaient à manquer, je pourrai augmenter la production de Cive, celles-ci pouvant remplacer toute autre matière végétale. » Actuellement, les matières végétales reçues de l’extérieur coûtent beaucoup moins cher (17 à 25 €/t de MS) que la production de Cive (54 à 67 €/t de MS).
Le développement des surfaces de Cive serait intéressant si le prix des déchets végétaux venait à augmenter. Les agro-industries (malteries, meuneries...) sont de plus en plus sollicitées en raison du développement de la méthanisation.