Afin de n’utiliser les fongicides sur blé tendre qu’en dernier recours, il est nécessaire de réduire en amont la pression des bioagresseurs. Celle-ci est, certes, fortement liée au contexte pédoclimatique mais pas seulement.
En effet, parmi les critères qui l’influencent, on note aussi – plus ou moins prégnants en fonction des pathogènes – : la rotation, le travail du sol, la destruction des repousses, la densité de semis, la fertilisation azotée, les dates de semis et les mélanges variétaux (17 % des surfaces concernées en France). La modulation de dose intraparcellaire est aussi une piste intéressante (lire l’encadré ci-contre). Toutefois, Arvalis rappelle que le choix variétal demeure le levier agronomique le plus important. Jean-Luc Thibaudeau (lire page 51) l’a d’ailleurs bien intégré dans sa stratégie de lutte contre les maladies du blé, au même titre que les mélanges variétaux.
Septoriose : 60 % de variétés résistantes
Une récente enquête d’Arvalis fait état d’une progression constante des variétés résistantes dans le paysage avec, en 2021, autour de 60 % des surfaces implantées avec des blés notés de 7,5 à 7 vis-à-vis de la septoriose. Ainsi, Chevignon, KWS Extase et LG Absalon représentent 32 % des surfaces (hors mélange). « On peut s’en féliciter mais pas trop crier victoire non plus, déclare Claude Maumené, d’Arvalis. Cela représente beaucoup de surfaces, mais un petit nombre de variétés. Or, la disparition d’une variété, remplacée par une autre plus sensible ou l’érosion de sensibilité, peut changer les choses. Il faut donc faire durer la résistance autant que l’on peut si on veut maintenir le cap en termes de réduction de l’utilisation des fongicides. »
Dans des essais, l’institut a choisi d’isoler les deux facteurs que sont la sensibilité variétale et la date de semis. Si, sur un blé peu sensible, des dates de semis plus tardives ont montré peu d’impact sur la quantité de septoriose observée, il n’en est pas de même pour des variétés sensibles. En effet, dans ce cas, le fait de retarder la date de semis (de dix-sept à vingt-trois jours) a permis d’obtenir une meilleure efficacité avec, en moyenne, moins de 25 % de surface foliaire touchée par le pathogène (par rapport à la date plus précoce). La nuisibilité des maladies a aussi été réduite en moyenne de 3,7 q/ha.
Phosphonate autorisé
Autre solution pour réduire l’emploi des produits phytosanitaires de synthèse, le biocontrôle. Arvalis teste depuis plusieurs années de nouvelles substances ou agents, principalement sur septoriose et fusariose, mais aussi sur rouilles brune et jaune. « Entre 2017 et 2021, ce ne sont pas moins de soixante-six formulations de biocontrôle (substances naturelles d’origine minérale, d’origine animale, métabolites de micro-organismes, inoculum de micro-organismes…) qui ont été évaluées », rappelle l’institut. Cependant « le passage au champ représente un cap difficile pour ces solutions. »
C’est pourquoi l’Acta vient de rassembler les instituts dans le cadre du projet ABA PIC (1), pour leur permettre de renforcer leurs capacités d’expérimentation sur les modes d’application, d’investir sur des outils de suivi, de développer des méthodologies adaptées aux solutions de biocontrôle et à la mise au point de leur mode d’emploi (positionnement, conditions de succès).
En attendant, la meilleure référence sur septoriose était jusqu’alors le soufre. Dans les essais d’Arvalis, quatre traitements successifs à base de soufre (3,5 l/ha d’Héliosoufre) donnent ainsi 10,4 q/ha de plus que le témoin non traité. Mais Pygmalion, nouvelle solution de biocontrôle à base de phosphonates de potassium, a été autorisé depuis peu (lire page 54). Ainsi, quatre passages de 3 l de soufre + 3 l de Pygmalion améliorent les résultats, avec 14,3 q/ha de plus que le témoin. Malgré tout, le fait de passer quatre ou trois fois pénalise les résultats économiques.
C’est pour cette raison qu’Arvalis a également comparé le 100 % biocontrôle en une seule application à du biocontrôle associé à une spécialité conventionnelle. Les résultats montrent que le soufre + phosphonate a sa place au T1 (2 nœuds), et ce d’autant plus sur variétés peu sensibles à la septoriose et résistantes à la rouille jaune (faible efficacité du soufre). Sur T2 (dernière feuille étalée), les conditions d’utilisation du phosphonate restent encore à préciser.
(1) Accélération du biocontrôle et des agroéquipements pour la protection intégrée des cultures.