Le parquet a requis le 19 octobre 10 000 € d’amende avec sursis contre la société d’un agriculteur du Lot-et-Garonne, poursuivi pour avoir épandu entre 1999 et 2002 quelque 900 tonnes de semences déclassées enrobées d’insecticides considérés comme nuisibles pour les abeilles. Le jugement sera rendu le 14 décembre.

 

À l’origine de cette affaire, la plainte en 2003 de syndicats et d’associations apicoles, alertés par un apiculteur de Verteuil-d’Agenais (Lot-et-Garonne), au sujet de l’épandage massif de stocks de semences déclassées, c’est-à-dire périmées ou déclarées non conformes, enrobées de produits phytosanitaires. Cette technique d’élimination, moins coûteuse que les autres pour les industriels, était pratiquée jusqu’à la fin de 2002.

Une méthode d’élimination utilisée jusqu’en 2002

« Développée à l’initiative des industriels », a souligné la magistrate du parquet dans son réquisitoire, cette méthode d’élimination faisait que « des quantités » de pesticides « bien supérieures par rapport aux autorisations de mise sur le marché » se retrouvaient ainsi disséminées.

 

Concernant Syngenta, qui était poursuivie dans cette procédure, le tribunal correctionnel de Paris « ne pourra constater que l’extinction de l’action publique », a déclaré la magistrate. Car l’entité poursuivie, Syngenta Seeds Holding, a disparu et a été absorbée par Syngenta Holding France, en 2011, cinq jours après son renvoi devant le tribunal correctionnel.

 

« Disparition dans des circonstances qui restent quand même troublantes et qui continuent à interpeller le ministère public », a souligné la procureur. À l’issue d’une procédure initiée par le parquet, la justice a estimé en appel que cette dissolution n’était pas frauduleuse. En première instance, le tribunal de commerce de Nanterre avait jugé le contraire et annulé la dissolution dans un premier temps.

 

Néanmoins, l’accusation a dénoncé la « légèreté inadmissible » de Syngenta, estimant que ces semences enrobées avaient « sans équivoque » le statut de déchet, ce que conteste la défense.

Confiance « totale et aveugle » de l’agriculteur

Selon son avocate, Me Dalia Moldovan, l’agriculteur, poursuivi pour abandon illégal de déchets dangereux, faisait une « confiance totale et aveugle » dans ce « géant de la semence ». « Je n’aurais pas dû », explique-t-il. Aucune mortalité d’abeilles n’avait toutefois été à déplorer, l’apiculteur voisin ayant pris le soin de déplacer ses quelque 300 ruches qui se trouvaient à proximité.

 

« Il est dépassé par cette affaire “qui lui colle aux bottes depuis près de 15 ans” », indique son avocate. Pour Me Dalia Moldovan, « toute la charge de cette affaire “repose sur les épaules de son client” qui sont loin d’être aussi solides que celles de Syngenta ». Un « petit agriculteur », dit-elle, qui a fait une « confiance totale et aveugle « au numéro trois mondial de la semence ». Mais selon elle, il n’est question dans cette affaire ni d’abandon ni de déchets. Insistant sur la « bonne foi » de son client, l’avocate plaide la relaxe, ou à défaut la dispense de peine, pour celui qui dans son village restera perçu comme « le mauvais agriculteur qui tue les abeilles ».

Syngenta se justifie

Dans un communiqué paru le 19 octobre 2016, Syngenta justifie la dissolution de Syngenta Seeds Holding, affirmant qu’il n’y a eu « aucune volonté d’échapper à la justice. La dissolution, qui aurait été réalisée dans le but unique de mettre un terme à une procédure pénale en cours en France, est en réalité intervenue dans le cadre d’un projet mondial de simplification des organigrammes du groupe, notamment du nombre de structures juridiques existantes, écrit la firme dans son communiqué. Ce projet a visé de très nombreux pays, dont la France, et s’est poursuivi jusqu’à la fusion en 2013 de Syngenta Seeds et Syngenta Agro pour créer Syngenta France SAS. »

 

« Dans le cadre de cette restructuration, la société Syngenta Seeds Holding SAS, qui n’avait plus d’activités commerciales depuis 2003, a été dissoute et absorbée par sa société mère Syngenta Holding France SAS avec effet au 31 décembre 2011, date de la clôture comptable, poursuit le groupe. Cette opération a été publiée en toute transparence dans La Dépêche du Midi, un quotidien de grande diffusion dans la région concernée et où se situe le siège social de l’entreprise, ce qui a donné l’opportunité à toute partie prenante de s’opposer au projet. Enfin, dans le pire des cas une condamnation aurait entraîné le versement d’une amende de 300 000 €, éventualité non seulement fort peu probable mais qui n’aurait jamais justifié de telles manœuvres. »