Début août, la culture de silphie de Jean-Luc Bernard atteignait environ 3 mètres de haut. « En mars, elle était à l’état de rosette. Il faut dire qu’elle pousse de 4 cm par jour en mai », souligne cet agriculteur de Damas-et-Bettegney (Vosges), à l’origine de son implantation dans le secteur. La plante est en fleurs depuis mi-juillet et sera ensilée vers le 10 septembre, la récolte se faisant avec une ensileuse classique et bec Kemper.
Cette nouvelle culture, qui appartient à la famille des Astéracées, présente la particularité d’être vivace. Sa durée d’exploitation est en moyenne de quinze ans. Alors qu’il en avait semé 40 ha au printemps 2019, l’agriculteur vosgien en a implanté 75 ha en mai. Le semis s’effectue au semoir monograine. Stockée comme un ensilage de maïs, cette matière première alimentera, en partie, le méthaniseur que Jean-Luc Bernard a fait construire en association avec un agriculteur voisin.
Le cas de cet agriculteur est certes particulier : victime d’un grave accident en 2017, il est aujourd’hui dans l’incapacité de passer des heures dans un tracteur. Sur les 145 ha de labours, il ne reste plus que 30 ha dédiés au blé. « J’ai fait le choix de la silphie car c’est une vivace, et elle ne nécessite aucun traitement, à l’exception d’un engrais au démarrage, précise-t-il. C’est sur les conseils du constructeur allemand de l’unité de méthanisation qu’il s’y est intéressé. Celle-ci est déjà utilisée depuis une dizaine d’années outre-Rhin pour son pouvoir méthanogène, similaire à celui d’un maïs ensilage. Jean-Luc Bernard contacte Amédée Perrein, gérant du négoce HADN, situé à Saint-Étienne-lès-Remiremont. Ce dernier se rend en Allemagne et conclut un contrat d’approvisionnement auprès d’un fournisseur de semences pour l’importation de la variété Abica Perfo.
Méllifère et niche pour le petit gibier
« Le seul point négatif de cette culture, souligne Amédée Perrein, c’est le coût de la semence : à raison de 3 kg/ha pour un prix de 570 €/kg, cela fait une grosse somme à sortir pour l’implanter la première année. Certains banquiers octroient des prêts sur sept ans. C’est une plante qui possède beaucoup d’atouts : elle est mellifère et elle sert de refuge au petit gibier, alors qu’elle rebute sangliers et corbeaux de par ses feuilles rugueuses. Elle résiste très bien à la sécheresse, ses racines allant jusqu’à 2 mètres. Elle supporte les excès d’eau et n’est gélive qu’à partir de - 40 °C ! Elle intéresse aussi les agriculteurs ennuyés par certaines ZNT (zones non traitées) ou qui ont des parcelles très éloignées. » Pour la valoriser économiquement la première année, puisqu’elle ne sera pas productive, elle peut être implantée sous un couvert de maïs.
Le rendement moyen est d’environ 18 à 20 t de MS/ha, lorsque la culture arrive à son plein potentiel. Autre atout : elle peut être utilisée en alimentation animale. « J’ai arrêté le lait mais je vais l’utiliser pour les génisses à viande, explique Jean-Luc Bernard. Je récolterai une partie en ensilage avec deux coupes, une vers la mi-juin, l’autre vers la mi-septembre. Les études montrent que sa valeur alimentaire est similaire à celle d’une bonne prairie avec une légumineuse. »
Dominique Péronne